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Hélène Bellenger : Corps artificiels

Hélène Bellenger : Corps artificiels

Evoquer un sujet d’actualité en utilisant des images d’archives ? C’est le pari réussi de la série Les corps dociles d’Hélène Bellenger. A l’heure de l’affaire Weinstein et des #metoo, les visages tristement burlesques des images de la jeune photographe se dotent d’une aura embarrassante. C’est au cours d’un minutieux travail de recherche dans les archives de la Cinémathèque de Toulouse – dans le cadre de la Résidence 1+2 Factory – qu’Hélène Bellenger élabore ce projet sur les constructions archétypales de la représentation de la femme dans le cinéma des années 1920 – 1950.


Les corps dociles © Hélène Bellenger

Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Greta Garbo, Grace Kelly, Marlene Dietrich… On a tous en tête les poses glamour et les regards sulfureux de ces immortelles du grand écran. Mais derrière l’artifice, il y a les coulisses. Le regard d’un homme, des contraintes techniques, des enjeux commerciaux. Autant d’éléments que décortique la jeune artiste au travers d’installations originales. Elle nous dévoile ainsi comment ces images ont contribué à véhiculer et à maintenir un stéréotype de la femme – belle et docile en toutes circonstances – dans la culture visuelle contemporaine.

Amour, gloire et beauté

Les années 1920 – 1950 constituent les années phares du Star System américain et marque un tournant dans la représentation du corps féminin. La croissance fulgurante du cinéma hollywoodien au cours des années 1930 permet en effet de produire plus de films et de les diffuser à plus grande échelle. Une nouvelle culture visuelle se déploie et avec elle, une image de la femme idéalisée et standardisée.


Les corps dociles © Hélène Bellenger

Sur fond blanc, des bobines aux couleurs chatoyantes et aux titres évocateurs : “Les bonnes femmes”, “Belles de jour”, “Folies de femmes”, “Une affaire de femmes”… La grande sobriété des images contraste avec la trivialité des titres misogynes. En analysant le champs sémantique et visuel des films de cette époque, Hélène Bellenger tente de déconstruire l’archétype de la femme glamour en mettant en évidence le caractère absurde et caricaturale des canons de beauté. C’est ainsi qu’elle découvre que le spectre colorimétrique et peu nuancé des caméras de l’époque obligeait les actrices à être maquillées de manière outrancière afin d’accentuer leur expressivité. « Reprenant les recettes de l’époque, signées Max Factor, j’ai redonné des couleurs à ces clowns tristes, également appelés miss peinturlures » explique l’artiste. Paupières bleues, lèvres pourpres, pommettes vertes, elle a ramené à la surface les maquillages invisibles aux écrans de l’époque et crée des portraits clownesques et dérangeants. 


Les corps dociles © Hélène Bellenger

Les corps dociles © Hélène Bellenger

Femme-objet

Mais la photographe pousse plus loin la relation entre corps et technique. Le fantasme de la femme-objet est amené à son paroxysme par la création d’objets de décoration. Si la femme peut être au coeur des intrigues de certains films de cette époque, elle n’en demeure pas moins un objet : de désir, de convoitise, d’ornement. Un argument commercial pour convaincre les producteurs et remplir les salles de cinémas.

En bonne artiste-iconographe, Hélène Bellenger a collecté et scanné des images de la revue Cinémonde des années 1920 – 1950 pour produire des tapisseries et des nuanciers aux motifs improbables. Entre ballet de jambes et défilé de bouches, l’artiste amplifie la logique de standardisation. Le détournement d’objets familiers et quotidiens accentue la dimension absurdes des stéréotypes féminins et nous invite à questionner les soubassements culturels de nos imaginaires collectifs.


Les corps dociles © Hélène Bellenger

Les corps dociles © Hélène Bellenger

Les corps dociles © Hélène Bellenger

Cette série sera à découvrir en avril prochain lors de la prochaine édition du festival Circulation(s) au Centquatre.

Par Coline Olsina 

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