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La vie en couleurs de Garry Winogrand

La vie en couleurs de Garry Winogrand

En 1967, les photographies en couleurs de Garry Winogrand sont révélées pour la première fois lors de l’exposition « New Document » au MoMA. Cependant, après quelques jours, le projecteur prend feu et les images en couleurs de Winogrand ne referont plus surface —jusqu’à aujourd’hui. Cinquante-deux ans après « New Document » et trente-cinq ans après la mort de Winogrand, Drew Sawyer, le nouveau commissaire d’exposition du Brooklyn Museum a décidé qu’il était temps de redécouvrir les photographies en couleurs de Winogrand, à travers l’exposition « Garry Winogrand: Color », présentée jusqu’au 8 décembre au Brooklyn Museum à New York.
Untitled (New York), 1960. 35mm color slide. Collection of the Center for Creative Photography, The University of Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco  

Du noir et bland à la couleur

Winogrand, un des grands photographes américains d’après-guerre, est davantage connu pour ses photographies en noir et blanc de la vie New-Yorkaise. Mais en réalité, Winogrand a laissé derrière lui plus de 45 000 diapositives couleurs. Le fait qu’elles n’aient presque jamais été montrées peut, certes, être révélateur d’une préférence de Winogrand pour le noir et blanc, mais révèle aussi un choix esthétique lié à l’histoire de la photographie. Rappelons que la pellicule en couleur n’a même pas un siècle ! Popularisée seulement dans les années trente par Kodak avec la sortie de la pellicule Kodachrome, la photographie en couleurs était perçue pendant longtemps comme appartenant aux mondes éditorial et publicitaire, mais pas à celui de l’art. À cela s’ajoute la question financière. Winogrand a fait très peu de tirages couleur, car il n’en avait probablement pas les moyens. Venant d’une famille modeste après avoir rapidement arrêté la photographie éditoriale, Winogrand ne pouvait pas se permettre d’être un photographe couleur, comme Eggleston a pu l’être par exemple. Néanmoins, cela ne l’a pas empêché d’avoir toujours sur lui deux appareils photo : l’un avec une pellicule noir et blanc et l’autre avec une pellicule couleur.

Untitled (Houston, Texas), 1964. 35mm color slide. Collection of the Center for Creative Photography, The University of Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Un seul objectif : être derrière l’objectif

La première femme de Winogrand l’a expliqué ainsi :  être mariée à Winogrand, c’était « comme être marié à un objectif ». Photographe prolifique, il cherchait surtout à prendre des photos plutôt qu’à les montrer. L’exposition permet aux visiteurs de comprendre la manière dont Winogrand travaillait. La pièce centrale est divisée en huit diaporamas thématiques et chronologiques, de 1952 à 1967. On y découvre sa fascination pour l’insignifiant, le banal, la poésie du quotidien : des hommes qui s’enlacent sur la plage, une femme qui passe dans la rue, une table de condiments, la vitrine d’un restaurant… Parmi les premières images, ses tableaux de Coney Island décrivent une tranquillité qui tranche avec le chaos habituel de son Manhattan en noir et blanc. L’une des raisons étant sûrement la vitesse d’obturation encore lente des premières pellicules couleurs. Dès les années 1960, armée des nouvelles pellicules Kodachrome 60 et X, Winogrand se met à photographier tout New York en couleur. Le visiteur au sein de l’exposition se retrouve presque dans une machine à remonter le temps, submergé par la vision omnisciente de Winogrand.

Untitled (Coney Island), 1952-58. 35mm color slide. Collection of the Center for Creative Photography, The University of Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

L’héritage de Garry Winogrand

Les diaporamas sont un hommage à la manière dont Winogrand a choisi de présenter ses photographies en couleurs dans « New Document ». Néanmoins, toute exposition soulève aussi la question de sa pertinence actuelle. Pour Sawyer, il s’agit d’une manière d’explorer la collection permanente du Brooklyn Museum (qui contient beaucoup de tirages noir et blanc de Winogrand) tout en apportant un aspect novateur avec ses photographies en couleurs méconnues. D’autant plus que, comme l’explique Sawyer « ces dernières années, il y a un intérêt nouveau qui s’est développé pour le travail de Winogrand, et beaucoup de jeunes artistes aujourd’hui le voient comme une source d’inspiration ».

Untitled (Texas State Fair), 1964. 35mm color slide. Collection of the Center for Creative Photography, The University of Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco  
Untitled (New York), 1967. 35mm color slide. Collection of the Center for Creative Photography, The University ofArizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco  
Untitled (Cape Cod), 1966. 35mm color slide. Collection of the Center for Creative Photography, The University of Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco  
Untitled, 1964. 35mm color slide. Collection of the Center for Creative Photography, The University of Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Par Claire Debost

Garry Winogrand: Color

Du 3 mai au 8 décembre 2019

Brooklyn Museum, 200 Eastern Parkway, Brooklyn, New York 11238-6052

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