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Prix Eugene Smith 2019 : une chambre minuscule

Prix Eugene Smith 2019 : une chambre minuscule

Le prix W. Eugene Smith figure parmi les plus anciens prix de photo. Il récompense chaque année un photographe dont le travail s’inscrit dans la tradition de la photographie humaniste telle que pratiquée par W. Eugene Smith. En parallèle de ce prix, il existe aussi un prix spécial pour les étudiants. Deux finalistes ont retenu l’attention de la rédaction de Blind. C’est le cas de la photographe Manu Ferneini qui interroge la place travailleurs domestiques dans la société libanaise.
Rebecca (à gauche) travaille dans la cuisine, tandis que son employeur, Emile (à droite), regarde les nouvelles de 20 heures © Manu Ferneini

Elles s’appellent Priya, Emily ou encore Rebecca. Elles viennent du Sri Lanka, du Kenya et du Nigéria et travaillent désormais toutes au Liban pour des familles qui les logent et les nourrissent en échange de leurs services domestiques. Pire : elles sont véritablement captives de ces familles. Un système mis en place par l’Etat, le système Kafala, les lie légalement à leur employeur qui ont tous les droits sur eux.  Leurs conditions de vie dépendent ainsi uniquement des préjugés et des valeurs de leurs employeurs. Quand certaines vivent dans des conditions de vies décentes, d’autres subissent un esclavage moderne d’une grande violence physique et symbolique. 

“J’ai essayé de présenter la situation sous un angle plus personnel, subjectif et moins explicitement violent” explique la jeune photographe libanaise. Dans son projet A Bigger Room, elle tente de présenter la place des ces femmes – Priya, Emily et Rebecca – qui vivent dans l’entourage de la photographe : en cuisine, dans l’arrière-cours, dans leurs chambres exiguës, elles occupent ces lieux interstices, indéfinis et invisibles. Le titre de la série fait ainsi référence au rêve d’avoir une chambre plus grande, car la leur est minuscule : symbole de la place qu’elles occupent dans leurs foyers d’adoption et dans la société libanaise. Avec beaucoup de délicatesse et de respect, Manu Ferneini dresse le portrait bouleversant de ces captives des temps modernes. 

Rebecca est une employée de maison de 23 ans originaire du Nigeria. Elle a travaillé au Liban pendant un an, avant d’être remplacée par Emily qui, comme son employeur le lui rappelait constamment, était censée être plus intelligente et plus productive qu’elle © Manu Ferneini
Plan d’une villa libanaise comprenant la “chambre de bonne”. La loi libanaise sur la construction fixe la superficie maximale de la chambre de bonne à huit mètres carrés. Habilement dissimulée derrière des couches architecturales à des fins esthétiques et commerciales, la pièce est rendue aussi invisible que possible © Manu Ferneini
Portrait de Priya sur le toit de notre maison à Hazmieh, Liban. Priya, originaire du Sri Lanka, travaille au Liban depuis vingt-deux ans © Manu Ferneini

Emily © Manu Ferneini

Une liste de courses écrite par Emily qui dit : “Le Pain de Madame” © Manu Ferneini
Emily a demandé une avance de 9 mois sur son salaire pour envoyer l’argent à la nounou qui s’occupe de sa fille d’un an au Kenya. « Elle[son employeur] garde mon passeport pour que je ne m’enfuie pas. Mais où irais-je ? Je ne partirais jamais, pour le bien de mon bébé » © Manu Ferneini

Par Coline Olsina

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