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La nouvelle scène photographique péruvienne

La nouvelle scène photographique péruvienne

Il y a huit ans, le célèbre photographe de mode Mario Testino créait à Lima le MATE (Musée Mario Testino), dans une volonté de valoriser et de diffuser la photographie péruvienne. L’exposition actuellement à l’affiche, Cámara Lúcida, est née d’une sélection, suite à un appel à projet, de vingt-trois photographes péruviens émergents. Coup d’œil sur ces jeunes talents.

Ollagüe, 2018, © Natalia Pilo-Pais, Museo MATE 2019

Cámara Lúcida montre des photographies sous la forme de tirages, de vidéos, installations ou encore de livres, mettant en lumière une photographie qui se conjugue au pluriel. Si des échos se créent entre les différents travaux de l’exposition, leur diversité montre bien que la nationalité commune de leurs auteurs ou encore le fait que ces derniers partagent le statut d’artiste en devenir ne conditionnent en aucun cas leur photographie, ni n’en bride les possibles. 

Car c’est bien la multiplicité des possibles de la photographie qui ressort de l’exposition. C’est particulièrement le cas lorsque les limites du médium se voient repoussées. Amanda Del Carpio explore ainsi la frontière entre photographie et dessin. L’image qu’elle présente créé une interrogation chez le spectateur quant à la technique mise en place pour la produire. Le titre de l’œuvre, ceci n’est pas un dessin, ceci n’est pas une photo, révèle que tout l’enjeu du travail se trouve dans ce doute. Les surprenantes installations de Manuel Limay Incil — des micro-sculptures incluant des feuilles de coca sur lesquelles apparaissent des images d’archives activées grâce à un processus photographique utilisant la chlorophylle des feuilles — explorent elles aussi la photographie sous une forme qui s’échappe des normes académiques. 


ceci n’est pas un dessin, ceci n’est pas une photo, 2019, © Amanda del Carpio, Museo MATE 2019

Imaginaires collectifs et récits personnels 

Les formes que prend la photographie dans Cámara Lúcida, peuvent aussi parfois paraître plus classiques, tout en abordant des thématiques qui n’en sont pas moins contemporaines. Ainsi, les paysages escarpés mais désertés de toute trace humaine qu’Ana Lucia Negri montre étalés sur ce qui semble être une table de recherche lui permettent d’explorer la dimension plastique de la représentation du territoire péruvien. Sharon Castellanos, elle, à travers un travail réalisé lors d’une résidence dans les Alpes Suisses, alerte sur le changement climatique en cours. Les glaciers aux formes acérées qu’elle présente auprès d’une photographie de bougie en train de fondre dans une main humaine délivre un message clair sur l’urgence actuelle de protéger ces paysages naturels… En rappelant que leur sort se trouve (encore) entre nos mains? 


© Ana Lucia Negri

Si ces travaux faisant appel à la perception collective des paysages et à un imaginaire commun lié aux conditions climatiques, d’autres convoquent des narrations plus personnelles. Rafael Soldi explore ainsi la question de sa propre masculinité, à travers une présentation graphique d’images de jeunes garçons dans les cours de récréation, s’adonnant à des rituels dont l’enjeu se situe à la limite paradoxale de la cruauté et du désir. Daniela Muttini, qui est aussi photographe de mode, présente ici un travail plus personnel; des photographies d’une femme dont le corps s’éloigne de ceux des mannequins qu’elle photographie habituellement. Un corps de femme qui n’appartient pas, ou peu, à l’imaginaire collectif — mais auquel il manque pourtant cruellement. L’on voit ainsi dans les photographies de Muttini une femme au corps nu, dans une nature environnante qui la porte, l’enveloppe, et avec laquelle elle semble entretenir une relation apaisée. 


​Iol​ (la primera letra es una i mayúscula), 2018, © Daniela Muttini, Museo MATE 2019

Une photographie brillante 

« Tout ce qui brille est de l’or », Todo lo que es oro brilla, le titre de la série de Pedro García Miro renverse le fameux adage latino-américain qui met en garde contre le contraire. En insérant dans des paysages naturels des éléments de plastique et tissu dorés, l’artiste semble inviter à baisser la garde, et, par l’insertion de reflets fauve dans des vues de nature, délivre un discours optimiste. Brillants sont aussi les néons et le kitsch des enseignes photographiés par Piétina Masquez. Reprenant une esthétique liée au vernaculaire, l’artiste évoque tout un univers par l’installation simple d’une étagère sur laquelle sont posés des tirages au format 10×15 et de petits objets rétro et familiers. 


Todo lo que brilla es oro, 2018, © Pedro García Miró, Museo MATE 2019

Enfin, hétérogènes, inclassables et indéfinissables sont ces 23 regards qui éclairent la chambre claire (Cámara Lúcida) en place au MATE jusqu’à la fin du mois de novembre. Mais, de la variété des formes et des récits par lesquels la photographie est abordée dans l’exposition, il ressort un air nouveau, une fraîcheur éclatante, et, on le leur souhaite, la promesse d’un chemin photographique radieux pour ses auteurs. 


Notas sobre Lima, 2019, © Pierina Másquez, Museo MATE 2019

Sin título., 2014, © Sharon Castellanos, Museo MATE 2019

Par Elsa Leydier

Cámara Lúcida Nueva fotografía peruana

Du 18 Octobre au 28 Novembre 2019

MATE Av. Pedro de Osma 409 Barranco Lima 15063 Pérou 

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