Blind Magazine : photography at first sight
Photography at first sight
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Akasha Rabut : la magie de la Nouvelle-Orléans

Akasha Rabut : la magie de la Nouvelle-Orléans

Death Magick Abundance, le premier livre photo de la photographe Akasha Rabut, est l’aboutissement de sa collaboration de près de dix ans avec les habitants de la Nouvelle-Orléans. Ses images célèbrent la culture florissante de la ville à travers la fumée rose des Caramel Curves, les chevaux cabrés des Southern Riderz et l’ambiance exubérantes des fêtes de rue.

​​​​​Central City, 2014 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

Death Magick Abundance – mort, magie et abondance -, trois mots qui, selon la photographe américaine Akasha Rabut, résument bien la Nouvelle Orléans et donnent son titre à l’ouvrage qu’elle lui a consacré. « Voir la façon dont les habitants de la Nouvelle-Orléans se parent d’une panoplie de mode hallucinatoire, observer comment la musique et le style se propagent dans les rues plutôt qu’à travers une prétendue classe d’influenceurs d’élite, et entretenir des amitiés avec les personnes qui palpitent dans ce livre – ces expériences ont changé ma vie pour toujours », écrit-elle en post-face. 

Le rose bonbon de la couverture et les étoiles de l’artiste local Pauly Lingerfelt qui l’ornent donnent le ton : il s’agit de la Nouvelle Orléans post-Katrina, certes, mais rutilante. « Toutes mes photos sont inspirées par la culture post-Katrina, par la résilience et la capacité des gens à continuer de célébrer leur ville et leur patrimoine », explique-t-elle. « Même si Katrina était naturellement dévastatrice puis instrumentalisée pour fermer l’école publique et supprimer les logements sociaux, ce sont les gens qui ont réanimé la Nouvelle-Orléans; c’est ce qui a guidé ma photographie ces dix dernieres années. »


Algiers Point, 2014 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘  publié par Anthology Editions

Les fêtes de rue comme catalyseur social

Une compilation de cette décennie d’images, Death Magick Abundance est une ode aux habitants qui revendiquent une culture unique faite d’humour et de célébrations – la culture des « second lines » (deuxièmes lignes), parades dominicales improvisées qui au fur et à mesure de leur progression dans la ville s’étoffent de nouveaux participants, tous affublés d’extravagants costumes, d’instruments et de larges sourires. « Les deuxièmes lignes ont lieu tous les dimanches. C’est un club d’aide sociale et de plaisir qui fait la fête le dimanche. La culture de deuxième ligne est super importante car danser à la Nouvelle-Orléans était illégal pour les Noirs avant l’abolition de l’esclavage. Ils n’étaient autorisés à danser que le dimanche », raconte-t-elle.


The Young Rollers Social Aid and Pleasure Club, 2019 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

La structure du livre répond à cette effervescence continue. « Je voulais guider les lecteurs à travers un récit fluide de la Nouvelle-Orléans, pour donner une image de l’endroit et de la magnifique culture qui s’y exprime », dit-elle. En début et fin d’ouvrage, des photographies de la ville et de ses habitants – des scènes surprenantes, colorées, et des corps en mouvement dans une variation de courbes qui insuffle au livre un rythme entêtant. Encadrés dans cette ambiance, deux longs chapitres s’attardent sur des groupes alternatifs – les Caramel Curves, un groupe de motardes en talons aiguilles vertigineux, et les Southern Riderz, des cavaliers inspirés des Buffalo Soldiers

Au-delà de leur aspect performatif et indéniablement spectaculaire, ces groupes affichent avant tout une ambition sociale. Le cheval comme leçon de responsabilisation, les moteurs vrombissants comme moyen de lever des fonds pour les plus démunis. « Quand nous avons commencé, nous voulions juste être ces motardes cool. Puis après quelques années, nous avons commencé à faire plus de choses avec la communauté. Nous avons aidé à préparer des repas et donné des fournitures à Covenant House, et nous soutenons “Habitat pour l’humanité”. Nous avons aussi fait des collectes de manteaux et des cadeaux de bal pour les familles les moins fortunées », raconte la co-fondatrice du groupe, Shanika “Tru” McQuieto. Son interview est extraite des archives d’une autre initiative locale de Rachel Breunlin, The Neighborhood Story Project, qui œuvre à la création d’une archive d’histoires nuancées de la Louisiane.


Earl, Holy Cross, 2017 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

La Nouvelle-Orléans sans voile

Le dynamisme des images de Rabut sert ce même propos de raconter une Nouvelle Orléans a contrepied de l’image unilatérale, voire caricaturale, de la presse et des touristes. « Ce que les médias montrent est tellement différent de ce que j’ai vécu ici. Ce que nous avons vu dans la presse après que Katrina a frappé et anéanti la ville n’était que sombre et tragique. Et ce n’est pas ce qui ne se passe pas ici. Ce qui se passe, c’est une communauté de gens qui se battent pour survivre dans cette ville », résume Rabut.

La Nouvelle Orléans est une zone naturellement sinistrée qui s’érode irrémédiablement. Construite sur un marécage, elle coule d’un tiers de pouce chaque année et est régulièrement ravagée par les ouragans. A cela s’ajoute les difficultés sociales d’une école publique inexistante et d’un salaire horaire minimum de 7,25 dollars. Malgré tout, « La culture est fière et dynamique, et c’est un excellent exemple d’un endroit qui est pour les gens et par les gens, même si notre gouvernement les opprime », explique Rabut. Ils se réapproprient leur culture et leur territoire avec une énergie qui laissera une empreinte durable. 

Car à l’heure où l’eau menace la ville de disparaître, ce vivre-ensemble, cette manière de profiter de chaque jour comme si c’était le dernier, de tirer le meilleur parti de ses expériences avec l’autre, est une inspiration pour l’avenir. Comme la journaliste Anne Gisleson l’écrit en fin d’ouvrage : « Avant de nous engager à vivre avec l’eau, nous devons questionner notre façon de vivre les uns avec les autres. »


Central City, 2018 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

New Orleans Country Club, 2012 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

Trail Rider, 2014 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

Algiers Point, 2014 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

Candi, 2014 © Akasha Rabut dans ‘Death Magick Abundance‘ publié par Anthology Editions

Par Laurence Cornet

Death Magick AbundanceAkasha Rabut

Publié par Anthology Editions

Ne manquez pas les dernières actualités photographiques, inscrivez-vous à la newsletter de Blind.