Blind Magazine : photography at first sight
Photography at first sight
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Road trip photographique et musical en Allemagne

Road trip photographique et musical en Allemagne

Pendant plusieurs mois, le photographe allemand Hans-Jürgen Burkard a sillonné les quatre coins de son pays natal. Il publie un livre : An Tagen wie Diesen (Les jours comme ça). Un voyage en photo et en musique, un arrêt sur image sur une Allemagne insouciante et pleine d’humanité, entre jeunesse et tradition.
© Hans-Jürgen Burkard

Des milliers de kilomètres. Hans-Jürgen Burkard en a parcouru. Photojournaliste chez Geo, l’ancien correspondant à Moscou s’est lancé dans un projet photographique au cœur de son pays natal. Un voyage au cœur de l’Allemagne. « J’ai voyagé tout autour du monde. Pourtant j’ai rencontré des gens que je ne pensais jamais croiser dans mon propre pays, j’ai eu un nouveau regard, une nouvelle impression sur mon pays que je n’avais pas ressenti avant », relate le photographe.

Pendant plusieurs mois, il s’est baladé, appareil photo autour du cou, à la rencontre des habitants. « Je viens d’un univers photographique complètement différent, je suis un photojournaliste classique », détaille l’ancien correspondant à Moscou de 1989 à 2016 pour le magazine Stern, après avoir travaillé pendant 10 ans pour le magazine Geo. Il était sous la caméra lorsque le 25 décembre 1991 Gorbatchev annonçait sa démission. Avec ce projet, le photographe aux trois World Press a opéré un retour aux sources.

© Hans-Jürgen Burkard

Quand la photo rencontre la pop

Particularité de ce voyage intérieur. Hans-Jürgen Burkard a associé ses images aux musiques populaires allemandes. Ado, il se souvient des titres des Rolling Stones, des Beatles… Mais très peu de chansons allemandes ont marqué son enfance. « Tout était en anglais. En Allemagne après la guerre, être fier de son pays, avoir des propos qui sentent le nationalisme, n’était pas bien vu », relate-t-il.

Et puis, certains artistes pop s’y mettent et commencent à chanter dans la langue de Goethe. « Quand vous lisez ces textes, c’est la plupart du temps de la grande poésie, c’est jeune, frais, corrosif ! ». Le photographe fait alors la connaissance de Silke Müller, journaliste au Stern. « Elle voulait faire quelque chose sur cette nouvelle scène musicale allemande ». Silke Müller donne alors au photographe 150 morceaux de la musique pop allemande. « Elle m’a dit “tu les écoutes et tu voyages en Allemagne pour essayer de trouver des images qui ont un lien avec ces textes ou qui montrent l’atmosphère allemande, la culture de la jeunesse. Sans recherche de sens profond, tu combines les textes des morceaux en leur donnant un nouveau sens à travers la photographie”. » L’aventure est lancée, avec Silke Müller, Hans-Jürgen Burkard s’associe à l’ancien rédacteur en chef de Geo Peter-Matthias Gaede. Les morceaux défilent dans les enceintes de la voiture. Les kilomètres aussi.

© Hans-Jürgen Burkard

Les milles visages de l’Allemagne

Le voyage commence à Berlin. La première photo, ce sera cette jeune fille adressant un large sourire à une ligne de policiers casqués. « Avec ces policiers dans leur uniforme de Dark Vador et cette jeune fille, cette photo me fait penser à celle de Marc Riboud (NDLR La jeune femme portant une fleur face à une rangée de fusil à baillonnette). » Hans-Jürgen Burkard associe le cliché à une chanson de Prinz Pi : Mädchen von Kreuzberg (La fille de Kreuzberg). « Le morceau parle d’une fille de Kreuzberg, le quartier de Berlin qui est le plus vivant, où il y a beaucoup de gens issus de l’immigration, beaucoup d’étudiants. Cette chanson parle d’une fille qui a plus l’air d’un pitbull que d’un chihuahua », s’amuse à décrire le photographe. Mais pas question de se limiter à la capitale. Il s’engouffre dans l’Allemagne. Se rend à la frontière autrichienne, au pied du mont Zugspitze.

© Hans-Jürgen Burkard

Dans la Sarre à l’Ouest, à Chemnitz à l’Est, ancienne Karl-Marx Stadt avec son imposant buste du philosophe auteur du “Capital”. « Doucement, pendant trois ou quatre mois j’ai collecté des images. J’allais aussi voir des événements », explique Hans-Jurgen Burkard. Il se rend par exemple à la fête de La Pentecôte dans la forêt bavaroise. Avec son vélo, il suit la procession. Il déclenche. Apparaît cet homme en habit traditionnel bavarois portant une imposante croix en bois, monté sur un cheval décoré entièrement de fleurs. Tout le long du livre, on découvre une Allemagne qui oscille entre traditions, modernité et joie de vivre. Les rencontres sont inattendues, drôles. Certaines rappellent un passé douloureux comme cet homme dont les tatouages racontent la Seconde guerre mondiale. Mais en parcourant les photos, tout en écoutant les morceaux associés, un vrai vent de fraîcheur ressort ce livre. Instantané d’un pays souvent méconnu.

© Hans-Jürgen Burkard

Le meilleur exemple est peut-être l’une des dernières photos prises lors du confinement. Hans-Jürgen Burkard raconte cette histoire géniale : « Il y a cet homme de 89 ans qui devait traverser la frontière danoise pour voir sa petite amie de 86 ans. Avec le confinement ce n’était plus possible. Alors pendant des semaines, ils se sont retrouvés entre les deux pays. Ils ont placé des chaises de plage entre les deux frontières et se retrouvaient tous les jours dans leur nid d’amour. »

Délicieuse et touchante anecdote. « Ce sont ces histoires qui m’intéressent, l’interaction avec les gens, la touche humaine. » Hans-Jürgen Burkard donne une image lumineuse d’une Allemagne qui ne se soucie pas du lendemain. Un projet qui lui a également fait ouvrir les yeux sur son propre pays. « Je n’avais jamais réalisé la beauté de ma région. Les vieux châteaux, un paysage magnifique avec une culture ancienne. Maintenant les gens redécouvrent la beauté de leur civilisation, de leur histoire, de leur culture. C’est ce que j’ai trouvé très intéressant. Nous ne voyageons plus ces derniers temps et nous redécouvrons la beauté de notre pays », souligne le photographe. C’est peut-être la principale leçon de ce confinement mondial. Privés de destinations lointaines, nous avons redécouvert notre propre territoire.

© Hans-Jürgen Burkard


Par Michaël Naulin

Michaël Naulin est journaliste. Passé par les rédactions de presse régionale et nationale, il est avant tout passionné de photographie et plus particulièrement de photoreportage.

Hans-Jürgen Burkard, An Tagen wie Diesen
Editions Lammerhuber
49.90€
Livre disponible ici.

Ne manquez pas les dernières actualités photographiques, inscrivez-vous à la newsletter de Blind.