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Edward Burtynsky, histoires d’eaux

Edward Burtynsky, histoires d’eaux

Marier esthétique et démarche documentaire, c’est le parti pris de Edward Burtynsky qui, depuis une trentaine d’années consacre son travail à l’écologie. L’exposition au Pavillon Populaire de Montpellier présentant une cinquantaine d’images sur le thème de l’eau est aussi l’occasion de s’intéresser à la notion d’engagement.
Benidorm no 1, Espagne, 2010 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan

Assèchement du fleuve Colorado dans le Sud-Ouest des Etats-Unis, de celui du lac Owens en Californie ; villes construites en plein désert comme Phoenix en Arizona ; cultures intensives de crustacés à Sonora au Mexique ; cours d’eau pollués par l’usage d’engrais chimiques ou à cause de l’extraction de matières naturelles comme le phosphore ; marée noire dans le golfe du Mexique en 2010 ; gigantesques barrages construits en Chine : voilà quelques-uns des sujets abordés dans la cinquantaine d’images réunies au Pavillon Populaire de Montpellier. 

Articulé en sept parties – « Golfe du Mexique », « Désolation », « Contrôle », « Agriculture », « Aquaculture », « Au bord de l’eau », « Source » –, l’exposition est exclusivement consacrée au thème de l’eau, un des axes du vaste projet au long cours de Edward Burtynsky : « Le projet “Anthropocène” est un ensemble de travaux multidisciplinaires combinant la photographie d’art, le cinéma, la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la recherche scientifique pour étudier l’influence humaine sur l’état, la dynamique et l’avenir de la Terre », explique-t-il dans le texte du catalogue. 

Lac Owens no 1, Californie, États-Unis, 2009 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan
Barrage de Xiaolangdi no 1, Fleuve Jaune, province du Henan, Chine, 2011 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan
Digue de contrôle des eaux, Maasvlakte, Rotterdam, Pays-Bas, 2011 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan

Passé maître dans l’art de documenter les méfaits de l’action de l’homme sur la planète et les conséquences néfastes sur l’environnement, Edward Burtynsky se donne depuis une trentaine d’années les moyens de ses ambitions. Cela passe bien sûr par des recherches et des repérages pour trouver les lieux les plus pertinents partout dans le monde mais aussi par de grands moyens humains et matériels. « J’ai toujours été soucieux de montrer comment nous affectons la Terre de manière importante. Pour cela, je recherche et photographie des systèmes à grande échelle qui laissent des traces durables ».

Car le Canadien ne veut pas simplement donner à voir, il veut démontrer. C’est la raison pour laquelle il choisit presque systématiquement de réaliser des vues en plongée d’ensemble qu’il ne peut obtenir qu’en prenant du recul et de la hauteur. Ainsi a-t-il, en une vingtaine d’années, mis la photographie aérienne (ou des prises de vue réalisées depuis des grues ou des plateformes) au service d’un engagement personnel : nous alerter sur les conséquences des dégradations que l’on inflige à la planète. Pour nous faire prendre conscience que notre futur est menacé.

Salines no 3, Cadix, Espagne, 2013 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan
Serres, Péninsule d’Almería, Espagne © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan
Irrigation à pivot central, Banlieue, sud de Yuma, Arizona, États-Unis, 2011 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan

Ce qui surprend, c’est la beauté des images. Pourtant le but de Edward Burtynsky n’est pas de nous inviter à la contemplation, encore moins de susciter l’émerveillement. Il a choisi de se servir de la splendeur des paysages pour nous faire réfléchir. Peut-on montrer du beau pour désigner l’horreur ? En photographie, le débat n’est pas nouveau. « On peut citer Eugene Smith avec la série Minamata sur la pollution au mercure au Japon », note Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire. On se souvient aussi, dans milieu des années 1980, des images noir et blanc de la mine d’or de Serra Pelada au Brésil de Sebastião Salgado. L’esthétique affirmée des images du Brésilien dénonçant l’exploitation des ouvriers avait fait polémique, notamment parce qu’on y voyait surtout des silhouettes et très peu de visages. 

Dans le cas de Burtynsky, c’est un peu différent car photographier en plongée lui permet de montrer ce qu’on ne voit pas à hauteur d’homme. Son parti pris de miser sur l’esthétique pour interpeler est assumé. Et si d’en haut tout est plus beau, tout devient aussi plus clair et plus évident. C’est pour cela que le travail de Edward Burtynsky est salutaire.

Par Sophie Bernard

Sophie Bernard est une journaliste spécialisée en photographie, contributrice pour La Gazette de Drouot ou le Quotidien de l’Art, commissaire d’exposition et enseignante à l’EFET, à Paris.

Edward Burtynsky, « Eaux troublées », Pavillon Populaire, Esplanade Charles-de-Gaulle, 34000 Montpellier, du 23 juin au 26 septembre 2021. 

Catalogue aux éditions Hazan, 144 pages, 25€.

Irrigation par sillons, Vallée impériale, Californie du Sud, États-Unis, 2009 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan
Barrage de Xiluodu no 1, Yangzi Jiang, province du Yunnan, Chine, 2012 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan
Manikarnika Ghat, Varanasi, Inde, 2013 © Edward Burtynsky, avec la permission de la Nicholas Metivier Gallery, Toronto © Edward Burtynsky / courtesy Admira, Milan

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