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Jamie Hawkesworth en son royaume

Jamie Hawkesworth en son royaume

Avec The British Isles, paru chez Mack, le photographe britannique poursuit et affine son approche du portrait.
Jamie Hawkesworth. Image extraite de The British Isles (MACK, 2021). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK © Jamie Hawkesworth

« La photographie peut surgir absolument de nulle part », avait conclu Jamie Hawkesworth lors de son intervention au Centre Pompidou le 4 mai 2017. Il était là, à Paris, pour un hommage à Walker Evans (1903-1975), et cela semblait extravagant de voir ce photographe britannique apprécié pour ses gravures de mode tout à coup associé au maître américain de l’image-document. Quel lien entre eux ? Un certain goût de l’aventure, oui, pourquoi pas. De l’inattendu, de l’ailleurs, de ce trouble « surgi de nulle part », justement, tel qu’il apparaît parfois sur des visages inconnus. Hawkesworth en fit la démonstration en projetant quelques images de son reportage initiatique, Preston Bus Station (2010). Dans ces portraits, les anonymes photographiés à la gare routière de Preston (Lancashire) avaient quelque chose d’insaisissable, une ferveur accentuée par des ombres chaudes et une lumière à la limite de l’incandescence.

La revoici, intacte, dans son nouveau livre paru chez Mack, The British Isles. Rien ne peut guider le lecteur, le livre, pourtant gros, est muet : pas de légende, aucune indication géographique ou temporelle, pas le moindre texte, même pas un petit point d’exclamation dans un coin, rien. Insouciance ? On ne sait pas et, très vite, cela n’a aucune importance. Place à la débrouille, à l’imaginaire, au plaisir ludique de l’attraction, comme à la fête foraine… 

Jamie Hawkesworth. Image extraite de The British Isles (MACK,2021). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK © Jamie Hawkesworth
Jamie Hawkesworth. Image extraite de The British Isles (MACK, 2021). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK © Jamie Hawkesworth

Nous sommes donc au XXIème dans les îles britanniques, l’Angleterre, l’Irlande, l’Ecosse, etc. Un voyage en territoire familier pour Jamie Hawkesworth, né en 1987 à Suffolk, qu’il arpente ici et là en train, en compagnie de son appareil-photo, un Mamiya RB67 avec trépied. Autant dire qu’il ne passe pas inaperçu, bien au contraire. Cette présence revendiquée est l’une des clefs de sa technique (tactique ?) photographique, il n’est pas là incognito, ce n’est pas un voleur d’âmes. 

Il s’en était déjà aperçu à Preston, s’approcher d’un futur modèle, lui demander son autorisation, n’est pas si aisé. C’est vrai, personne n’a envie d’être immortalisé par une ganache, ou de finir surexposé sous des néons. Or, Jamie Hawkesworth aime la beauté. Celle de la jeunesse, mais pas seulement, son livre multiplie les profils et les attitudes, les âges et les fringues, chacun a sa chance, c’est un casting merveilleux et universel, aidé d’un coup de pouce du hasard. 

Jamie Hawkesworth. Image extraite de The British Isles (MACK, 2021). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK © Jamie Hawkesworth
Jamie Hawkesworth. Image extraite de The British Isles (MACK, 2021). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK © Jamie Hawkesworth

La plupart des portraiturés prennent la pose avec décontraction, sourire, confiance, amusement, étonnement. Quelques visages graves. D’autres, fatigués. Il y a une famille photographiée en plein déménagement, une autre qui se prépare à une séance de bricolage collective. Il y aussi un chauffeur de bus incroyablement beau. Beaucoup de photos sont en hauteur, toutes sont étonnamment silencieuses. Quelques paysages (flaques d’eau, champs, bords de mer), des bancs et des voitures viennent interrompre la litanie des visages. Comme si l’auteur de The British Isles ne voulait pas, non plus, en faire trop dans ce portrait très sobre d’un Royaume en apparence uni.

Par Brigitte Ollier

Brigitte Ollier est une journaliste basée à Paris. Elle a travaillé durant plus de 30 ans au journal Libération, où elle a créé a rubrique « Photographie », et elle a écrit plusieurs livres sur quelques photographes mémorables.

The British Isles de Jamie Hawkesworth, Mack, 304 pp., 55€. 

Site du photographe.

Captation vidéo de la soirée Walker Evans au Centre Pompidou (4 mai 2017), Station to station.

Jamie Hawkesworth. Image extraite de The British Isles (MACK, 2021). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK © Jamie Hawkesworth
Jamie Hawkesworth. Image extraite de The British Isles (MACK, 2021). Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK © Jamie Hawkesworth

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