Blind Magazine : photography at first sight
Photography at first sight
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
La Gacilly, cap plein Nord !

La Gacilly, cap plein Nord !

Depuis le début de l’été, la 18e édition du festival de photographie a mis les voiles, direction le Grand Nord. Plus de 1 000 images célèbrent dans tous les formats la photographie scandinave et nordique, au cœur de ce petit village du Morbihan, d’un charme fou. L’aventure continue jusqu’au 31 octobre 2021.
ENTRE CIEL ET GLACE, Tumas 1, Siorapaluk, Groenland, 1998 © Tiina Itkonen

L’été se termine. Avec lui la saison des festivals. Mais un village d’irréductibles continue de célébrer la photo. Chaque année, la commune de La Gacilly, située en Bretagne, accueille un festival unique. Sa scénographie géniale, toute en plein air, de toutes les dimensions, offre une respiration entre chaque exposition. Les photographies ont le temps de s’exprimer. On ne sature pas, on savoure. Pour ses 18 ans, l’événement s’offre une virée dans le Grand Nord, pleine de maturité. 

Olivier Morin, le surf complètement givré 

Pendant que certains rêvent d’avoir les doigts de pieds en éventail sur le sable chaud, lui n’attend que le froid mordant, la neige et la glace. Olivier Morin est le rédacteur en chef photo à l’Agence France Presse (AFP) et pourrait endosser la casquette d’ambassadeur du Grand Nord. C’est  un chanceux qui a su marier plusieurs de ses passions : la photo, les grands espaces nordiques… et le surf. Photographe lors des épreuves de la discipline pendant les JO de Tokyo, il expose à La Gacilly ses clichés des “givrés du sport” qui apprivoisent les vagues glacées de Norvège.

SPORTS GIVRÉS, Légende du monde du surf dans les années 1980, Tom Carroll, transporte sa planche sur le côté de son vélo sur les plages d’Unstad © Olivier Morin / AFP

Aller à la rencontre des surfeurs de glace. Le déclic a lieu dans les années 2010, au détour d’une page de magazine. Tom Curren, légende du surf, raconte une session hors du temps, au-delà du cercle polaire arctique, sur les côtes des îles Lofoten, en Norvège. Du surf en Scandinavie ? La pratique de la glisse ne date pas d’hier, comme le raconte Olivier Morin : « Le pionnier du surf en Norvège a 77 ans aujourd’hui, c’est lui qui a construit la première planche en 1962 d’après la pochette de l’album Surfin’ Safari, des Beach Boys. » L’anecdote est savoureuse et la légende est bien vraie. Le photographe et surfeur est saisi dès son arrivée par ce spectacle irréel. L’eau est à 3°C et l’atmosphère indescriptible. « C’était l’exact paradoxe que je m’étais imaginé. En termes de vagues, on retrouve aux Lofoten la même qualité qu’à Hawaï, avec 35°C de moins en hiver ». Bienvenue en terre surréaliste, avec « l’impression de changer de planète ». 

Tout de suite, vient la volonté de convertir ces sensations en images, de documenter la vie de ces passionnés givrés. « J’ai découvert toute une communauté. » Femme ou homme, ces mordus de surf sont dans la vie normale vétérinaires, enseignants, médecins… et se retrouvent autour d’une même passion. Sur une des photos, un homme déjà encagoulé pédale vers un spot, le surf est accroché au vélo. Il roule non sur du sable, mais bien sur un chemin de neige et de glace, sur fond de montagnes blanches. Magnifique paradoxe. 

SPORTS GIVRÉS, Le surfeur norvégien Tommy Olsen, en pleine leçon avec ses élèves, dans la baie de Flakstad, près d’Unstad © Olivier Morin / AFP

Olivier Morin doit quant à lui gérer le terrible dilemme d’être derrière l’appareil ou sur le surf. La frustration aussi de ne pouvoir retranscrire en image qu’une infime partie de la beauté dont il est le témoin. « Il y a l’odeur de l’iode, du froid, le son étouffé par la neige… », énumère le photographe. Et quand s’ajoute à cela la magie des aurores boréales, vient l’état second : « On est ailleurs, dans une quasi transe. Je n’arrive pas à poser des mots. C’est un ressenti pur, c’est absolument magique », tente-t-il de décrire. « Je n’ai d’ailleurs pas encore réussi à faire la photo exacte que j’ai en tête. » 

La photo de surf est ingrate. L’engagement est total pendant deux à trois heures dans une eau à 3°C. Cagoulé, en combinaison, équipé de deux caissons, il faut lire la vague pour bien se positionner. Se préparer à la machine à laver, glacée. « On subit les vagues. D’où l’intérêt de faire le vide 10 minutes avant d’y aller, de se mettre en état de veille, de façon à être concentré sur la photo et réceptif à toute erreur. » Et tout ça, parfois pour rien. « Soit il y a une goutte mal placée sur l’objectif, soit le surfeur est mal cadré… ». L’éternelle frustration qui pousse à y retourner. Forcément, l’hiver prochain Olivier Morin retente l’expérience et compte cette fois immortaliser des surfeurs norvégiens qui se sont mis en tête de créer un surf de glace. Totalement givrés !

ENTRE CIEL ET GLACE, Le chasseur inuit Niels Piniartoq, Groenland, 2019 © Tiina Itkonen

Intimité nordique  

Territoires secrets, peuple parfois austère, une nature magnifique et hostile. La Scandinavie est fascinante. Et sa photographie est d’une grande richesse. La Gacilly lui donne pleine lumière, qu’elle soit de Norvège, de Finlande, de Suède et pousse plus loin encore dans les territoires nordiques. 

Très attaché à son pays natal, la Norvège, le photojournaliste Jonas Bendiksen, habitué des pages du National Geographic et membre de l’agence Magnum depuis 2004 est revenu sur ses terres. Il livre un document précieux sur ces populations des contrées lointaines qui vivent en harmonie avec la nature. Un travail intimiste réalisé pour un journal local et une exposition mise en parallèle avec ses reportages sur le désastre écologique qui menace les régions de l’Himalaya. 

ICI AU LOIN, Dehli, Inde, 1999 © Pentti Sammallahti, Courtesy Galerie Camera Obscura
ICI AU LOIN, Solovski, mer Blanche, Russie, 1992 © Pentti Sammallahti, Courtesy Galerie Camera Obscura

Le journal intime de la Suède nous est livré par Sune Jonsson. On prête à la photographe suédoise des émotions de Robert Doisneau ou de Willy Ronis. Décédée en 2009, elle livra un travail de mémoire sur la société rurale de son pays, dans la province de Västerbotten où elle est née. Bien loin de Stockholm, tout au Nord. Des portraits de familles d’agriculteurs, de mariages et d’insouciance de l’enfance dans des paysages de sapins et de lacs. 

Il fallait toute la poésie en noir et blanc de Pentti Sammallahti pour dresser le portrait de la Finlande, de ses habitants, de ses villes et de sa nature. Fils d’un père orfèvre, l’enfant d’Helsinki offre un bijou de composition sur chacune de ses photos, pleines d’humour et de tendresse. Elle aussi est finlandaise, mais elle a voulu voir ailleurs, plus au Nord encore. Tiina Itkonen est partie pour le Groenland dès les années 1990 pour rencontrer les peuples autochtones de l’Arctique. Son premier livre photo est dédié aux Inughuit, une minorité inuit groenlandaise de la région de Thulé. On découvre la vie dans ce milieu hostile. Et les changements liés au dérèglement climatique. 

L’HOMME ET L’HIVER © Ragnar Axelsson
L’HOMME ET L’HIVER © Ragnar Axelsson

Ragnar Axelsson est né en Islande et documente lui aussi depuis des décennies la vie des peuples du Nord. Dans un noir et blanc éclatant, son travail sur les chiens de traineau et le mode de vie traditionnel des Inuits, vieux de 4 000 ans, est époustouflant.  Ses photos semblent prises dans un filtre de glace et témoignent de l’âpreté de la vie sous ces latitudes. 

Depuis sa création, La Gacilly se positionne sur les enjeux futurs, notamment celui du changement climatique et des questions environnementales. Une série sur le monde de demain, celui de l’après crise sanitaire, alerte sur les défis à venir. Comme les migrations climatiques et la sécheresse illustrées par le travail de Mathias Depardon en Irak (Les larmes du Tigre). Les photos de Pascal Maître et des papillons monarques du Mexique résonnent avec le projet engagé de Nick Brandt pour la protection de la faune sauvage en Afrique. Comme à son habitude, La Gacilly fait le tour du globe et offre encore cette année dans un cadre unique une très belle et fine sélection du meilleur de la photographie. 

Par Michaël Naulin

Michaël Naulin est journaliste. Passé par les rédactions de presse régionale et nationale, il est avant tout passionné de photographie et plus particulièrement de photoreportage.

Festival de La Gacilly, jusqu’au 31 octobre 2021. Entrée gratuite. Expositions à l’extérieur.

LES LARMES DU TIGRE, La sécheresse que connait l’Irak depuis 2018 est la plus sévère que le pays ait connue depuis 1930. Le changement climatique, deux décennies de guerre et les barrages turcs construits en amont ont contribué à cette crise de l’eau dans le sud du pays. © Mathias Depardon
LA GRANDE FONTE, Dans la province du Yunnan, en Chine, le glacier Mingyong a longtemps été celui dont la fonte était la plus brutale et la plus rapide. Ce qui n’empêche pas les touristes de venir se prendre en photo devant la glace noircie. © Jonas Bendiksen / Magnum photos
L’INCROYABLE ODYSSÉE DU PAPILLON MONARQUE, L’un des principaux sanctuaires des papillons monarques au Mexique : El Rosario. Niché dans des forêts d’oyamels, cet endroit ouvert au public permet d’observer ses insectes venus passer l’hiver à plus de 4 000 km de leur habitat naturel. © Pascal Maitre / MYOP pour la Fondation Yves Rocherégende

Ne manquez pas les dernières actualités photographiques, inscrivez-vous à la newsletter de Blind.