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Hiro, photographe de mode et protégé d’Avedon, est mort

Hiro, photographe de mode et protégé d’Avedon, est mort

Yasuhiro Wakabayashi, le photographe américain d’origine japonaise, mieux connu sous le nom de Hiro, est décédé le 15 août dernier à l’âge de 90 ans dans sa maison de campagne à Erwinna, en Pennsylvanie (Etats-Unis). Célébré pour son travail dans les domaines de la mode et des natures mortes, sa vision surréaliste avait fait de lui un pilier de l’industrie aux Etats-Unis, tout comme le célèbre photographe Richard Avedon, qui fut également son mentor.

Jerry Hall, Saint Martin, 1975 © HIRO

« Hiro n’est pas un homme ordinaire », déclara Avedon. « Il est l’un des rares artistes de l’histoire de la photographie. Il est capable d’appliquer sa peur, son isolement, son obscurité, sa lumière splendide à la pellicule. » Les mots de l’Américain témoignent ainsi de la vie extraordinaire de Hiro. Une vie d’abord bouleversée alors qu’il n’est qu’un bébé, né à Shanghai le 3 novembre 1930, juste un an avant que le Japon n’envahisse la Mandchourie. Hiro, l’un des cinq enfants d’un linguiste japonais qui aurait été impliqué dans des activités d’espionnage, va alors vivre une existence recluse et protégée durant la majeure partie de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à la fin des combats dans le Pacifique. 

Après avoir été internée pendant cinq mois à Pékin (aujourd’hui Beijing), la famille est rapatriée dans le Japon occupé en 1946. Étranger parmi les siens, Hiro est intrigué par les éléments de la culture pop américaine qui envahit le Japon d’après-guerre. En feuilletant les magazines de mode sur papier glacé dans les hôtels, il découvre les photos de Richard Avedon et d’Irving Penn, et acquiert bientôt son propre appareil photo. Dans les ruines du Japon impérial, Hiro va alors accoucher d’une vision bien à lui, qui associe le luxe au quotidien, dans un spectacle étonnant d’opulence.

Shinjuku Station, Tokyo, 1962 © HIRO

Asiatique d’Amérique

En 1954, Hiro émigre aux États-Unis avec un seul objectif : travailler avec Richard Avedon. Après s’être brièvement inscrit à la School of Modern Photography de New York, Hiro abandonne et devient apprenti chez les photographes Lester Bookbinder et Reuben Samberg. À la fin de l’année 1956, Hiro réalise son rêve : un apprentissage au studio du maitre portraitiste.

L’année suivante, Richard Avedon parle de lui à Alexey Brodovitch, le légendaire directeur artistique du magazine Harper’s Bazaar, qui fait entrer Hiro dans l’équipe, s’engageant dans une collaboration longue de 18 ans qui donnera lieu à certaines des images de mode les plus innovantes du milieu du 20e siècle. En 1963, Hiro devient le seul photographe travaillant sous contrat pour le magazine, un poste qu’il occupera durant toute la décennie suivante.

Marisa Berenson, Chapeau par Halston, couverture de Harper’s Bazaar, Février 1966 © HIRO
Elsa Peretti, Manchette en os doré, 1984 © HIRO

En 1969, la prestigieuse American Society of Magazine Photographers lui décerne le titre de « Photographe de l’année » pour ses images envoûtantes de mode, de beauté et d’accessoires. Faisant sien le dicton de Brodovitch – « Si vous regardez dans votre appareil photo et voyez quelque chose que vous avez déjà vu, ne cliquez pas sur l’obturateur » – Hiro s’applique à transformer la photographie commerciale en art, créant des paysages fantastiques, étranges, mystérieux et surréalistes. 

« J’ai toujours admiré Hiro », déclara Halston, la célèbre créatrice de mode américaine, lors de la soirée organisée pour le 50e anniversaire du photographe en 1980. « Il travaille de la manière la plus calme et la plus professionnelle qui soit, et on peut toujours compter sur lui. C’est le plus grand photographe de natures mortes au monde. »

Une description appropriée pour l’artiste qui rendra célèbre une image d’un sabot d’un bœuf Black Angus drapé d’un collier Harry Winston en rubis et diamants. Hiro est d’une grande précision dans tous les aspects de son travail. Du concept à l’exécution, il joue avec des éclairages inhabituels, des couleurs vives et des angles surprenants pour renforcer l’intensité de ses juxtapositions insolites qui défient l’esthétique conventionnelle d’alors. 

Collier en rubis et diamants Harry Winston, 1963 © HIRO

« Cet homme est-il le plus grand photographe d’Amérique ? » s’interroge le magazine American Photographer en janvier 1982, consacrant un numéro entier à l’artiste pour explorer son œuvre. « Avec le pragmatisme d’un maître de la Renaissance, Hiro a changé l’apparence des photographies et, grâce à une technique inventive sans fin, a changé la façon dont les photographes travaillent », affirme alors le magazine. 

En 1999, Richard Avedon rend hommage à son protégé en éditant une monographie intitulée Hiro : Photographs (Bullfinch), choisie par Andy Grundberg, critique photo au New York Times, comme l’un des meilleurs livres de photographie de l’année. « La concentration est la qualité la plus évidente de Hiro. Lorsqu’il emmène tout le théâtre de la mode à la plage, il en revient avec une contemplation métaphysique », écrit Mark Holborn dans la postface du livre. « Il semble réduire la mode, comme tout ce qu’il photographie, à un arrangement simple mais surprenant, de sorte que les frontières entre le portrait, la nature morte et la mode semblent disparaître. »

Par Miss Rosen

Miss Rosen est une journaliste basée à New York. Elle écrit sur l’art, la photographie et la culture. Son travail a été publié dans des livres, des magazines, notamment TimeVogueAperture, et Vice.

Autoportraitd de Hiro dans son studio à New York, 1990 © HIRO

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