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Rencontres d’Arles 2019 : « C’est magique de tomber un jour sur un trésor » par Sam Stourdzé

Rencontres d’Arles 2019 : « C’est magique de tomber un jour sur un trésor » par Sam Stourdzé

Elle est une exposition essentielle dans le programme du Festival d’Arles 2019 : Variétés, revue d’avant-garde. Près de 200 tirages vintage de grands noms de la photographie tels que Germaine Krull, Berenice Abbott ou encore Eli Lotar… Entretien avec le commissaire de l’exposition et directeur des Rencontres d’Arles, Sam Stourdzé.
Aenne Biermann, Clavier (Andante maestoso), 1928

Qu’est-ce que Variétés ? 

Il s’agit d’une revue d’avant-garde publiée à Bruxelles en Belgique par le collectionneur et galeriste Paul-Gustave Van Hecke entre 1928 et 1929. C’est une période très courte de publication. Il y aura une vingtaine de numéros seulement. Mais la revue sera traversée par l’esprit contemporain et elle fera se croiser à la fois la photographie, les arts, la littérature et la poésie. 

Comment avez-vous redécouvert cette revue ? 

Tous les spécialistes de la photographie la connaissaient, mais la vraie redécouverte est d’avoir remis la main sur l’ensemble des archives photographiques de Variétés. Tous les grands photographes des avant-gardes ont été publiés dans les pages de la revue et d’un seul coup, on s’aperçoit qu’une institution belge située à Gand possède dans ses archives les photographies originales qui ont servies à être publiées dans le magazine. L’exposition est justement composée de ces œuvres retrouvées. 

Qu’est-ce qui caractérise Variétés à votre sens ? 

Il s’agit d’une revue de croisement qui fait dialoguer les disciplines. Ce qui est une des ambitions des avant-gardes. La radicalité de Variétés, ce n’est pas sa mise en page qui reste assez sommaire, mais bien davantage les noms des photographes qui publient et la diversité des sujets abordés. Les noms des photographes : Germaine Krull, Berenice Abbott, Eli Lotar, Man Ray, Florence Henri… Les grands sujets de la modernité : le monde industriel, une approche assez sociale, un intérêt poussé pour l’ethnographie, des retours en arrière sur des figures historiques peu connues… C’est d’ailleurs le cas d’un long article consacré à Eugène Atget, photographe qui a mis en lumière Paris, son petit peuple et ses bâtiments, et qui est mort très peu de temps avant les premiers numéros de Variétés

Eugène Atget, Pharmacie Boulevard de Strasbourg, Paris, 1921

Comment pourrait-on définir le style de photographies publiées dans Variétés : est-ce un style documentaire qui pousse à l’expérimental ? 

Oui. Si on tentait de le définir, on pourrait dire l’un et l’autre, c’est-à-dire une photographie documentaire qui tend à la photographie expérimentale et l’inverse. On oscille entre plusieurs registres. Ce qui est sûr, c’est qu’en se replaçant dans le contexte de l’époque, il y a une radicalité de la vision. Ces plongées, ces contre-plongées… Ces pertes de rapport d’échelle… Il y a là tout le langage de la modernité qui se met en place à cette époque. Un langage que nous maîtrisons aujourd’hui, que nous connaissons et qui continue de nous interroger, mais qui est, à l’époque, une véritable révolution. 

Vous dites : « Il n’est pas de plus beau cadeau pour nos cinquante ans » que cette exposition. Pourquoi compte-t-elle autant selon vous dans le programme des Rencontres d’Arles 2019 ? 

Il s’agit plutôt d’une exposition qu’on s’attend à voir au Centre Pompidou ou au Moma. Imaginez : 200 tirages vintage jamais montrés auparavant des plus grands noms de la photographie… C’est important de proposer au public – qui vient chercher ici des nouveautés – une façon d’ancrer la nouveauté dans l’histoire, de lui montrer qu’à chaque génération les meilleurs d’entre les artistes ont ouvert des voies… C’est important pour faire oeuvre de contextualisation d’être capable de regarder dans le rétroviseur tout en se projetant pour l’avenir. Et puis, « cadeau » aussi parce que c’est un peu le rêve pour un commissaire d’exposition d’avoir cette « trouvaille ». C’est magique de tomber un jour sur un trésor qui recèle le meilleur de la création photographique des années 1930 et qui est l’époque de l’affirmation de la photographie comme un art. 

Germaine Krull, Ciseaux fichés dans le sol Prospérité
László Moholy-Nagy, Funkturm Berlin, 1928

Propos recueillis par Jean-Baptiste Gauvin 

Variétés, revue d’avant-garde

 1er juillet – 22 septembre 2019

Chapelle Saint-Martin du Méjan 13200 Arles

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