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Tish Murtha : les fenêtres de la détresse

Tish Murtha : les fenêtres de la détresse

À Vichy, dans le cadre du Festival Portrait(s), sont exposés une vingtaine de clichés de la photographe britannique disparue à l’âge de 56 ans. Une vision nette et sans détour de la misère sociale du Nord-Est de l’Angleterre sous l’ère Thatcher.
“Les enfants d’Elswick”, Pat Dack – Série Youth Unemployment, 1981 © Ella Murtha

Il y a ce jeune homme arrimé au bord d’une fenêtre. Il regarde devant lui d’un air las, désespéré, comme si l’horizon n’était qu’un mur, le ciel une porte fermée à double tour. Comme lui, nombreuses sont les personnes photographiées par Tish Murtha qui offrent le visage d’une détresse palpable. Souvent désœuvrées, aux chômages, elles errent dans les rues à la recherche d’une occupation, d’une évasion pour l’esprit. Des enfants jouent dans les gravats d’une maison tandis que des mères, d’énormes tatouages aux bras, regardent d’une manière contrariée le paysage d’asphalte qui s’ouvre devant elles. De jeunes gens zonent, une cigarette au bec, les yeux dans le vague. Le monde capturé par Tish Murtha est celui d’une réalité sociale terrible où les classes populaires payent la dure loi du marché instaurée par Margaret Thatcher dans les années 1980. La photographe s’est immiscée dans la vie d’un quartier de sa ville, Newcastle, le quartier d’Elswick, dont elle dresse le portrait des habitants, amis, famille et gens du coin. Elle y jette un regard doux, fait de bienveillance et de complicité, non sans révéler toute la dureté des conditions de vie qu’elle-même subissait puisqu’elle était inscrite à un programme d’aide aux chômeurs à cette période. 

“Les enfants d’Elswick” Cuddles jouant aux cartes – Série Youth Unemployment, 1981 © Ella Murtha

« Avec amour » 

Troisième d’une lignée de dix enfants, elle a grandi dans ce quartier pauvre de Newcastle et savait reconnaître les difficultés économiques et sociales de cette communauté. À l’âge de 20 ans, en 1976, elle se forme à l’école de photo documentaire du Newport College of Art, école créée par David Hurn, photographe membre de l’agence Magnum. Elle en ressort deux ans plus tard avec l’intention de documenter la vie qu’on mène dans son quartier d’origine, de photographier les classes marginalisées. Elle fera des images avec « amour, mais également avec colère » comme elle l’a dit elle-même. De fait, les photographies de Tish Murtha dénoncent autant qu’elles forment le témoignage d’une connaisseuse des lieux et d’une grande amie de ces gens-là. Les portraits de la photographe apportent une couleur vivante à une population stigmatisée par les chiffres, les statistiques et la paperasse administrative. Elle donne un visage à la détresse, mais n’oublie pas de souligner qu’il y reste toujours de la joie. Comme sur cette photographie où un père de famille tient sa fille dans les bras et ne peut s’empêcher de faire un immense sourire.

“Les enfants d’Elswick” 13 Kenilworth Road – Série Youth Unemployment, 1981 © Ella Murtha
“Les enfants d’Elswick” Glenn et Paul sur la corde à linge – Série Youth Unemployment, 1981 © Ella Murtha

Par Jean-Baptiste Gauvin 

Tish Murtha, Festival Portrait(s)

Du 14 juin au 8 septembre 2019

Centre Culturel de Vichy 15 Rue Maréchal Foch, 03200 Vichy 

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