Lianzhou Foto Festival 2019 : Jenny Rova fait de ses ex des artistes

Née en Suède en 1972, la photographe Jenny Rova travaille aujourd’hui à Zürich. Elle expose au Lianzhou Foto Festival la série Älskling, un auto-portrait réalisé par ses amants successifs entre ses 19 et 45 ans. Une démarche qui pourrait sembler narcissique mais qui se révèle d’une infinie tendresse. 

L’intime comme matière première

Jenny Rova fait de l’intime sa matière première et de sa vie privée un territoire d’exploration illimité. Exposer des lettres et des e-mails qu’elle n’a jamais osé envoyer. Stalker un ex sur facebook, s’approprier les photos où il pose avec sa nouvelle copine et remplacer son visage par le sien… Autant d’entreprises borderline qui dérangent autant qu’elles fascinent. 

Dans la série Älskling, « chéri » en suédois, la photographe a trouvé un nouveau moyen d’enquêter sur sa propre vie. En parcourant des photos dans ses archives, elle tombe sur des clichés d’elle pris par son ex. Émue, elle s’interroge alors sur la manière dont « nous construisons une part de notre identité à travers le regard des autres. Un regard qui évalue, sélectionne, juge » analyse-t-elle.

Un auto-portrait par procuration de ses 19 à 45 ans

Dès lors, Jenny Rova part en quête des fragments de sa vie passée. Pendant six mois, elle cherche puis contacte ses ex et collecte les photos d’elle qu’ils lui transmettent. « C’était un travail de détective que d’essayer de retrouver tous mes ex. C’était à la fois très intéressant et exigeant » nous confie la photographe. Certains répondent à l’appel, d’autres sont introuvables. Celui-ci ne veut pas participer, celui-là retrouve tous ses négatifs et les lui donne les yeux fermés.

Au final, cinquante-cinq clichés pris par neuf auteurs différents, où l’on voit la vie de Jenny Rova défiler. De la gamine blonde de 19 ans partie en bateau avec son amoureux à l’été 1991 à la femme solaire dans le regard de son mari l’année de ses 45 ans. L’artiste en fait aussi un livre, comme « d’étranges et douces retrouvailles avec les images de mon passé, que pour la plupart j’avais oubliées ». 

La terrible subjectivité des souvenirs

Seule l’artiste et ses amants connaissent le bon moment ou la dimension dramatique derrière chaque image. Ce rapport à l’intime devant le collectif, Jenny Rova voulait aussi le convoquer. « Voir ce qui se passe quand on déplace des images d’une sphère très privée à un livre publié ou un mur d’exposition » déclare-t-elle.

Lorsqu’on lui demande de nous livrer le secret d’une des photos, elle choisit sans hésiter ce cliché pris à Prague, à propos duquel son ex lui a révélé un terrible souvenir. « Nous nous étions disputés toute la nuit. Il avait été violent envers moi. J’avais complètement oublié ou refoulé cette violence. Mais lui en souffre encore, et a toujours honte de ce qui s’est passé. »

Par Charlotte Jean

LIANZHOU FOTO FESTIVAL, A Chance for the Unpredictable

Du 29 novembre 2019 au 3 janvier 2020

Lianzhou, Guangdong, Chine