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Julie Blackmon, photographe surréaliste de la vie américaine contemporaine

Julie Blackmon, photographe surréaliste de la vie américaine contemporaine

Les riches fresques satiriques de la photographe Julie Blackmon prennent une nouvelle dimension, durant la pandémie mondiale.

À la suite des directives des autorités de chaque pays, la plupart des expositions sont suspendues, reportées ou annulées. Nous avons décidé de publier tout de même les articles qui en parlent, quand nous avons pu notamment les voir avant la fermeture. Pour plus d’informations sur notre ligne éditoriale durant cette période, vous pouvez lire ici notre édito.

Night Movie, 2011 © Julie Blackmon. Courtesy the artist and Robert Mann Gallery.

Lorsque le corps lutte contre une infection, notre système immunitaire entre en guerre et provoque une surchauffe, au sens littéral du terme, pour tenter d’empêcher les agents pathogènes thermosensibles de causer davantage de dégâts. Le résultat est la fièvre, connue pour produire des rêves hallucinatoires et des cauchemars donnant l’impression qu’on regarde un film de science-fiction, dont on peut se souvenir dans les moindres détails, et qui introduit l’horreur dans le familier et le banal.

Aux yeux de la photographe américaine Julie Blackmon, les rêves causés par la fièvre sont une métaphore parfaite pour explorer le pathos sous-jacent à la vie américaine contemporaine. Originaire de Springfield (Missouri), où elle vit et travaille encore, J. Blackmon utilise ce qu’elle appelle « la ville américaine générique » comme toile de fond de ses subtils portraits satiriques du cœur de la nation.

Dans l’intimité de Fever Dreams, cette exposition présentée au musée Fotografiska de New York, J. Blackmon crée une expérience immersive qui nous éloigne de la réalité de la vie éveillée et nous transporte dans un royaume où nous sommes tantôt bercés, tantôt ébranlés par des scènes fascinantes de la vie de banlieue. Quatorze grands formats sont accrochés aux murs noirs mats de deux petites pièces. Un épais tapis d’herbe artificielle craque délicatement sous les pieds, tandis que des hauts parleurs diffusent doucement des bruits d’enfants s’ébattant dans une piscine. La galerie s’ouvre sur une salle du musée où les enfants sont invités à dessiner sur les murs, et leurs cris de joie contribuent à l’ambiance, tandis que quelques-uns vont et viennent librement dans l’exposition Fever Dreams, ajoutant une touche d’imagination inattendue au travail de J.Blackmon.

Ezra, 2019 © Julie Blackmon. Courtesy the artist and Robert Mann Gallery.

La vie s’inspire de l’art

J. Blackmon orchestre ses images comme le ferait un metteur en scène de cinéma ou de théâtre, puis laisse libre cours aux enfants d’exprimer quelque chose que ne disait pas le scénario. Ses œuvres, inspirées par son enfance tumultueuse dans une famille nombreuse, ainsi que par son rôle actuel de mère et de photographe, soulignent les plaisirs et les dangers d’une liberté pure, sans aucunes entraves. Chaque photographie constitue un tableau intime, un récit muet qui nous invite à faire un lien entre les différents éléments comme nos rêves le font si souvent. Ce qui est peut-être le plus étrange dans l’exposition, c’est la manière dont la vie s’inspire de l’art.

Ici, les adultes sont absents, tandis que les enfants s’ébattent, suggérant la présence d’un danger qui résonne parfaitement avec ce que nous traversons actuellement. Avant la pandémie mondiale, on pouvait croire que quelque chose de terrible allait arriver à un enfant qui folâtrait dans son monde sans supervision, mais étant donné la différence d’incidence du COVID-19 sur les générations, on peut se demander si les adultes n’ont pas été mis en quarantaine, et ne subissent pas les ravages des rêves que donne la fièvre. Le garage vide qu’on peut voir dans Trapped, avec son panneau de pelouse «Clinton Kaine»  abandonné, semble soudain d’une grande étrangeté, tout comme les lettres « K C U F » tracées sur les vitres sales – évoquant le cri silencieux de quelqu’un que nous ne verrons jamais.

Trapped, 2017 © Julie Blackmon. Courtesy the artist and Robert Mann Gallery.
Weeds, 2017 © Julie Blackmon. Courtesy the artist and Robert Mann Gallery.

Par Miss Rosen

Julie Blackmon : Fever dreams

Le Fotografiska de New York est temporairement fermé en raison de l’épidémie de COVID-19 ; cependant, l’exposition de Julie Blackmon, Fever Dreams, sera très bientôt visible, dès la réouverture.

Fotografiska New York, 281 Park Ave S, New York, NY 10010, U.S.A

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