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A la découverte de Grzegorz Przyborek

Le salon Polyptique organisé par le Centre Photographique de Marseille fin août a été l’occasion d’inaugurer un nouvel accrochage de l’exposition de Grzegorz Przyborek. Une invitation à « Toucher le silence ».

Foire conviviale à taille humaine « qui défriche les territoires de la photographie contemporaine », Polyptyque a fermé ses portes le 1er septembre après trois jours au cours desquels 9 galeries ont présenté chacune un solo show, comme le veut la nouvelle formule de cet événement initié en 2018 désormais biennal.

Créé par le Centre Photographique de Marseille (CPM) à l’initiative de son directeur Erick Gudimard, la manifestation innove avec un prix dédié au livre d’artiste car « nombreux sont les photographes qui pensent le livre d’artiste comme un espace de création à part entière et comme un support de monstration de leur travail. », explique-t-il. 

Cette première édition qui a distingué Elie Monferier pour Journal des Mines – dont il a lui-même fabriqué les 50 exemplaires – vient s’ajouter au prix ouvert aux photographes vivant dans la région Sud et qui n’ont pas de galerie dont le même jury d’experts* a désigné trois lauréats : Driss Aroussi (né en 1979 au Maroc), Eleonora Paciullo (née en 1993 en Italie) et Marion Ellena (née en 1992 au Venezuela). Leurs travaux ont été choisis parmi dix présélectionnés – et tous exposés sur la foire – dans les 86 candidatures reçues. « Avec Polyptyque, nous souhaitons favoriser un écosystème du marché qui n’existe pas à Marseille alors que de nombreux photographes vivent dans la région », commente Erick Gudimard.

Vue de l'exposition "Toucher le silence " de Grzegorz Przyborek.
Vue de l’exposition “Toucher le silence ” de Grzegorz Przyborek.

Les lauréats seront exposés en 2025 à Paris à la galerie Sit Down et à Genève à l’Espace Jörg Brockmann, deux des neuf galeries de cette 5e édition qui était aussi enrichie d’une carte blanche offerte au duo de collectionneurs Galiana-Wiart qu’ils ont consacré à Antoine d’Agata. Et le week-end de la foire a également été l’occasion d’inaugurer un nouvel accrochage de l’exposition de Grzegorz Przyborek au Centre Photographique de Marseille avec des œuvres issues de leur collection signées Dieter Appelt, Aaron Siskind, Laurent Millet ou encore Tom Drahos : un mariage particulièrement réussi.

Les énigmes visuelles de Grzegorz Przyborek

Il est encore temps de découvrir cet artiste dont le travail est salué en Pologne mais qui demeure inconnu en France. Pourtant, c’est à l’école de la photographie d’Arles que Grzegorz Przyborek a forgé son style au tournant des années 1990, en tant qu’étudiant étranger invité à y passer une année. C’est là qu’il fait la connaissance de Erick Gudimard qui l’a invité à présenter un florilège de ses créations proposant une traversée de plus de 30 ans dans son œuvre, sa première exposition d’envergure en France. 

Ona, extrait de la série Thanatos, 1996 © Grzegorz Przyborek
Ona, extrait de la série Thanatos, 1996 © Grzegorz Przyborek
Paysage provençal, extrait de la série Souvenirs d’Arles, 1991 © Grzegorz Przyborek
Paysage provençal, extrait de la série Souvenirs d’Arles, 1991 © Grzegorz Przyborek

En montrant aussi bien des dessins, des objets que des tirages, l’exposition rend compte du processus créatif de cet auteur né à Lodz en 1948, et de sa singulière approche de la photographie. « Dans un dessin, on peut dessiner des choses qui sont irréelles. Mais est-ce possible en photographie ? », s’interroge-t-il dans le texte d’un livre autoédité.

Toutes les images de Grzegorz Przyborek commencent par un souvenir, une réflexion ou une interrogation personnelle avant de se matérialiser en trois temps : d’abord au crayon, de manière étonnamment précise ; puis par des objets-sculptures qu’il fabrique lui-même, eux aussi très sophistiqués, et enfin par une prise de vue, une fois la mise en scène terminée dans l’atelier-appartement de sa ville natale où il vit depuis des décennies. Du quartier de son enfance, Grzegorz Przyborek explique : « C’est un monde qui a profondément affecté mon imagination. Le lieu est resté dans ma mémoire, créant un réservoir d’inspiration à part. »

Tout en immergeant le spectateur dans ce monde à part, les dessins, objets et photographies se répondent dans les salles à taille humaine du Centre Photographique de Marseille, agissant tel un sésame. A la fois poétique et énigmatique, le titre « Toucher le silence » sonne comme une invitation à un voyage fantastique. Pourtant tout est vrai dans ses images, Grzegorz Przyborek n’ayant jamais recours aux logiciels de retouche. L’artiste est plutôt adepte de trucs et astuces, comme retourner un tirage à 180° pour déjouer l’apesanteur. C’est aussi cela qui fait la valeur de ce travail, au-delà de sa capacité à nous faire réfléchir et nous questionner. 

Vue de l'exposition "Toucher le silence " de Grzegorz Przyborek.
Vue de l’exposition “Toucher le silence ” de Grzegorz Przyborek.
Vue de l'exposition "Toucher le silence " de Grzegorz Przyborek.
Vue de l’exposition “Toucher le silence ” de Grzegorz Przyborek.
Vue de l'exposition "Toucher le silence " de Grzegorz Przyborek.
Vue de l’exposition “Toucher le silence ” de Grzegorz Przyborek.

C’est parce que nous pensons que la photo dit la vérité qu’elle « peut avoir un plus grand pouvoir pour étonner le spectateur », note-t-il. Ainsi il aime jouer sur notre perception des choses. Par exemple, des tombes du monastère Saint-Romain à Arles dont il ne reste que des cavités, il fait des portraits presque classiques ou encore il transforme un coucher de soleil, un moment pour lui mémorable, en une saynète intitulée Petit univers (série « Souvenirs d’Arles »), expliquant : « Je sais qu’aucune photographie ni aucune autre image ne pourra jamais capturer cette expérience ».

Plutôt que de saisir le réel, Grzegorz Przyborek préfère le fabriquer, ce qui ne l’empêche pas d’être ancré dans le temps présent, comme dans sa série évoquant le Covid. Finalement, quoi de mieux que l’imagination pour représenter la réalité ?

Grzegorz Przyborek, « Toucher le silence ». Jusqu’au 21 septembre 2024 au Centre Photographique Marseille, 74, rue de la Joliette, 13002 Marseille.

* Pascal Beausse, responsable des collections photographiques du CNAP, Françoise Bornstein, directrice de la galerie Sit Down (Paris), Florence Bourgeois, directrice Paris Photo (Paris), Jörg Brockmann, directeur de l’Espace Jörg Brockmann (Genève), Caroline Stein, responsable du mécénat et conservatrice de la collection de la banque Neuflize OBC, Arina Essipowitsch, artiste lauréate des Prix Polyptyque en 2021, Didier Wèbre, Président de la Digitale Zone et membre de Mécènes du Sud.

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