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Dana Gluckstein, en l'honneur des indigènes

Dana Gluckstein, en l’honneur des indigènes

Avec son dernier livre, Dignity: In Honor of the Rights of Indigenous Peoples, une série de photographies dédiée aux peuples autochtones à travers le monde, Dana Gluckstein continue son combat en faveur des droits de l’homme.
Danceur Tewa, Ohkay Owingeh, Nouveau Mexique, 2013 © Dana Gluckstein

Dana Gluckstein, qui a grandi dans une famille juive, a vécu la tradition des grandes tablées de la Pâque juive, et entendu les survivants de l’Holocauste raconter leur chemin vers la liberté, après avoir vécu l’enfer sur terre. Le soir, son arrière-grand-mère, Bubbie Goldie, lui apprenait les prières, perpétuant une coutume que de nombreux empires ont tenté d’anéantir.

Avec le temps, elle a développé une compassion pour les cultures en péril, quelque soit leur origine. Inspirée par cet édit de la Torah – « Justice, justice, poursuis » – et armée d’un vieil Hasselblad de 1981, elle a ainsi parcouru les contrées reculées du monde durant 30 ans, et réalisé des portraits de personnes issues de communautés indigènes, en lutte pour leur survie face à des organisations gouvernementales, commerciales et religieuses.

Percussioniste, Tribu Navajo, Arizona, 2012 © Dana Gluckstein
Danceuse, Bali, 1988 © Dana Gluckstein

« Les peuples indigènes ont quelque chose d’aussi important que fondamental à enseigner à ceux d’entre nous qui vivent dans le monde dit moderne », écrit le lauréat du prix Nobel, l’archevêque Desmond Tutu, dans la préface du nouveau livre de Dana Gluckstein; magnifique collection de portraits en noir et blanc réalisés au cours des trois dernières décennies en Amérique, en Afrique, en Asie et dans les îles du Pacifique.

Doctrine du rétablissement

« [Les peuples indigènes] nous enseignent que la première loi c’est que nous sommes insérés dans un délicat réseau d’interdépendance avec nos semblables et le reste de la création », poursuit l’archevêque Desmond Tutu. « En Afrique, la reconnaissance de notre interdépendance est appelée ubuntu. C’est l’essence même de l’être humain. Elle exprime le fait que mon humanité est prise dans la vôtre et y est inextricablement liée. Je suis humain parce que j’appartiens à l’ensemble, à la communauté, à la tribu, à la nation, à la terre. »

Campbell River, Adolescente Indienne © Dana Gluckstein
Femmes Samburu, Kenya © Dana Gluckstein

L’ubuntu est en fin de compte une question de survie – non seulement du groupe, mais aussi de l’espèce face à un avenir incertain. Bien souvent, ce sont les crises qui unissent les hommes – confrontés à la plus grande crise de tous les temps, à savoir le changement climatique, accéléré par les gouvernements des pays développés, ainsi que par les intérêts des multinationales. Les peuples indigènes, qui ont non seulement survécu mais prospéré pendant des dizaines de milliers d’années, font ainsi office de véritables gardiens de notre espace vital. Mais nombre d’entre eux ont été pris pour cible et tués pour avoir défendu leurs terres, leur culture et leur patrimoine.

À l’origine, Amnesty International s’est associée à Dana Gluckstein pour donner un visage humain à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et obtenir le soutien du gouvernement Obama en 2010. Une quête de reconnaissance qui a commencé en août 1977, lorsque 146 délégués de nations et communautés autochtones se sont rendus aux Nations unies à Genève, pour mettre en place une nouvelle politique mondiale, une « doctrine du rétablissement », première étape vers la justice après un demi-millénaire de génocide, d’oppression et d’exploitation.

Danceur, Navajo Nation, Arizona, 2012 © Dana Gluckstein
Chanteuse, Hawaii © Dana Gluckstein

« En fin de compte, cependant, l’intérêt national a prévalu. Nous nous sommes rendu compte que les forces politiques qui nous avaient bloqués dans nos pays d’origine nous gênaient également sur la scène internationale », écrit Oren R. Lyons, gardien de la foi du clan de la Tortue, de la nation Ondondaga, dans l’introduction du livre. Les peuples ont quand même fini par l’emporter, en obtenant la reconnaissance de 370 millions d’autochtones dans le monde en 2007.

« L’action décisive de l’Assemblée [générale] a annulé, ou du moins porté un coup dur à la doctrine raciste qui emprisonnait toute l’humanité – les gardiens comme leurs victimes autochtones – depuis 1492 », poursuit Lyons. Fait révélateur, en 2007, 34 États n’ont pas participé, 12 se sont abstenus et 4 ont voté contre la déclaration : L’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis – autant de nations issues de conquêtes coloniales.

Danceuse, Bali, 1988 © Dana Gluckstein
Ouvrier, Fiji, 2008 © Dana Gluckstein

Les photographies de Gluckstein sont ainsi devenues un outil essentiel pour obtenir le soutien des États-Unis. La photographe utilise dorénavant son livre et l’exposition itinérante pour inciter à l’action en faveur des femmes amérindiennes et alaskiennes, comme le prévoient les protocoles relatifs aux agressions sexuelles de la loi américaine sur le droit et l’ordre tribaux et la déclaration des Nations unies.

Amour, joie et réussite

Depuis son invention au milieu du 19e siècle, la photographie a été utilisée comme un outil de colonisation, servant à entretenir les mythes sur le « fardeau de l’homme blanc ». Bien trop souvent, les images ont été réalisées sous la contrainte et sans consentement, dans l’unique but d’asseoir l’oppression dont étaient victimes les peuples indigènes.

Homme Herero, Namibie © Dana Gluckstein

Les portraits de Dana Gluckstein, tous collaboratifs, rendent eux hommage aux leaders de ces peuples, des Navajo aux Herero. Place aux histoires d’amour, de joie et de réussite. Avec Dignity, elle offre un regard inédit sur la beauté du quotidien des indigènes d’aujourd’hui. « Les peuples autochtones ont un cadeau à offrir à un monde qui en a désespérément besoin, en nous rappelant que nous sommes faits pour l’harmonie et l’interdépendance. Si nous devons vraiment prospérer un jour, ce ne sera qu’ensemble », note Desmond Tutu. « Nous avons une dette immense envers ceux qui se souviennent des antiques manières de vivre et d’honorer notre terre. »

Par Miss Rosen

Dignity : In Honor of the Rights of Indigenous Peoples est publié par powerHouse Books, 45 dollars.

Femme avec pipe, Haiti, 1983 © Dana Gluckstein

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