David Benjamin Sherry, aux confins du monde et du temps

Après avoir longuement arpenté les déserts, les forêts et les montagnes de l’Ouest américain, le photographe new-yorkais David Benjamin Sherry pousse son exploration vers un territoire extrême: l’Antarctique, où la nature se fait à la fois sublime et fragile. Ce voyage, mené en 2024, a donné naissance à un ensemble d’images aussi vibrantes qu’inquiétantes : d’immenses icebergs teintés de rose, d’orange ou de vert émeraude, suspendus dans un silence presque irréel. Une série encore exposée cette semaine à la galerie Huxley-Parlour, à Londres, et intitulée « The Waves ».

Délivrance endormie, (Iceberg, Antarctique), 2025, David Benjamin Sherry © David Benjamin Sherry, image reproduite avec l’aimable autorisation de Huxley-Parlour
Kingdom Come, (Glacier, Antarctique), 2025, David Benjamin Sherry © David Benjamin Sherry, image reproduite avec l’aimable autorisation de Huxley-Parlour
Libération, (Bris de glace, Antarctique) 2025, David Benjamin Sherry © David Benjamin Sherry, image reproduite avec l’aimable autorisation de Huxley-Parlour

L’artiste, connu pour son usage de la chambre grand format et ses tirages argentiques colorés à la main, poursuit ici sa réflexion sur la mémoire du paysage et la responsabilité de ceux qui le contemplent. Son galeriste souligne que Sherry « emploie des techniques analogiques à une époque de manipulation numérique croissante, cherchant à préserver et réanimer la tradition photographique ». Loin de tout fétichisme technique, cette fidélité à l’argentique traduit surtout une forme de résistance : « J’ai besoin de sentir la matière, la lenteur, la chimie », confie t-il. « C’est une manière de rester relié au monde physique, à la lumière elle-même. »

En travaillant dans des conditions extrêmes – froid, humidité, imprévisibilité des éléments – Sherry a transformé son périple en expérience méditative. Ses photographies, à la fois contemplatives et vibrantes, oscillent entre l’hommage romantique et le constat écologique. Certaines images, comme Transformer ou Sleeping Deliverance, témoignent de cette tension : des masses de glace majestueuses, érodées par le vent et la mer, semblent à la fois éternelles et sur le point de disparaître. Le photographe évoque « l’étrange coexistence de la beauté et de la destruction », y voyant une métaphore du rapport que l’humanité entretient avec la planète.

Futur, (Iceberg, Antarctique), 2025, David Benjamin Sherry © David Benjamin Sherry, image reproduite avec l’aimable autorisation de Huxley-Parlour
Requiem, (Iceberg, Antarctique), 2025, David Benjamin Sherry © David Benjamin Sherry, image reproduite avec l’aimable autorisation de Huxley-Parlour
Rising, (Glacier, Antarctique), 2025, David Benjamin Sherry © David Benjamin Sherry, image reproduite avec l’aimable autorisation de Huxley-Parlour

Les couleurs intenses qui baignent ses tirages ne sont pas le fruit d’une retouche numérique, mais d’un travail en chambre noire, où Sherry manipule la lumière comme une matière. Ces teintes saturées – roses électriques, bleus acides, jaunes dorés – brouillent la perception et font vaciller notre idée du réel. L’Antarctique devient ainsi un territoire intérieur : un lieu de mémoire, de rêve et de vertige. « Pour moi, la couleur agit comme une émotion », explique-t-il. « Elle traduit l’expérience de la présence, du temps qui passe, et du lien intime entre l’homme et le paysage. » Ces images sont colorées et belles. Une beauté totalement irréelle. Et un appel silencieux : à regarder, à ressentir, et peut-être à protéger.

« The Waves », de David Benjamin Sherry, est exposé jusqu’au 18 octobre 2025 à la galerie Huxley-Parlour, à Londres.

Pink Dynamism, (Iceberg, Antarctique), 2025, David Benjamin Sherry © David Benjamin Sherry, image reproduite avec l’aimable autorisation de Huxley-Parlour

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