Chez la Biélorusse Alexandra Catiere, chaque image semble surgie d’un monde ancien, hanté par la beauté éphémère des choses. Ses fleurs, parfois flétries, souvent entremêlées, ne fanent pas tout à fait. « Pour lui faire plaisir, j’ai coloré deux tirages, l’un en rouge et l’autre en cyan », raconte-t-elle à propos d’une photo prise dans une maison de retraite où elle effectuait un stage photographique, hommage discret à la dame en charge du fleurissement quotidien de ce havre. Cette tendresse habite toute son œuvre, de ses pommes inspirées de Morandi, « le seul fruit disponible en Biélorussie », à ses cerises, « fruits défendus », photographiées aux États-Unis dans une lumière quasi mystique.

Les tirages d’Alexandra Catiere sont minutieusement élaborés et portent les traces d’un lent travail d’apparition, d’un grand soin. Les corps s’y voient ou s’effacent, les silhouettes dansent avec le vent et la nature. Les plantes semblent garder une trace de vie et de nostalgie. « L’essence des choses se voit mieux de loin », dit-elle.
Face à elle, le Belge flamand Thomas Vandenberghe parle avec d’autres fragments, d’autres effusions. Petits formats, grande intensité. Dans ses images de fleurs, de plis ou de bustes penchés, il brouille les frontières : nature morte ou portrait de femme ? Féminité ou végétal ? « Qui n’aime pas les fleurs ? », dit-il, malicieux. Ce tireur de formation, travaillant essentiellement en chambre noire, joue de la chimie argentique comme d’un instrument vivant, juxtaposant, brûlant, recollant, jusqu’à faire naître des « instantanés de vérité ».
Un visage disparaît sous un fragment de planche-contact, une main décline ses gestes en séquences d’ombres et de lumière, et les fleurs deviennent presque un souvenir. Dans cette exposition, les confusions sont fécondes. Les répétitions des sujets sont autant de variations.


Entre la douceur méditative de Catiere et la poésie brute de Vandenberghe, la galerie In Camera orchestre un tête-à-tête sensible où la photographie devient langage de l’intime et de la nature. Les fleurs parlent, les corps deviennent nature morte, et le noir et blanc révèle — avec pudeur — ce monde invisible.
Exposition Alexandra Catiere & Thomas Vandenberghe — Galerie In Camera, Paris 7e — jusqu’au 31 mai 2025.