Laurent Ballesta: « Ce qui me motive, c’est le mystère »

MPB, la plus grande plateforme au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion, s’associe à Blind et au photographe sous-marin, plongeur et biologiste Laurent Ballesta pour vous faire gagner le Nikon D5 utilisé par Ballesta pour des images prises sur le tournage de son célèbre documentaire 700 requins dans la nuit ainsi qu’un tirage numéroté et signé de la photographie qui lui a valu de recevoir le prix Wildlife Photographer of the Year en 2021. Pour participer, il suffit de cliquer sur ce lien et de suivre les instructions d’inscription.

Aujourd’hui, dans le cadre de ce concours, Laurent Ballesta raconte à Blind les prises de vue des images emblématiques de 700 requins dans la nuit, réalisées avec le Nikon D5.

FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE @ CAROLINE BALLESTA
FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE © CAROLINE BALLESTA
LE NIKON D5 DE LAURENT BALLESTA © MPB
LE NIKON D5 DE LAURENT BALLESTA © MPB
FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE @ CAROLINE BALLESTA
FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE © CAROLINE BALLESTA

Pouvez-vous raconter la première fois que vous avez utilisé le Nikon D5 ?

Cela tombe bien parce que c’était en Polynésie. Ce qui a été déterminant, d’abord, c’était de pouvoir monter les isos un peu plus qu’avec la génération d’avant. Puis il y a aussi les rafales d’images qui étaient super propres. C’était essentiel pour photographier la reproduction des mérous et les chasses des requins. Cela va tellement vite! De toute façon, c’est simple, tu ne vois pas à l’œil nu, cela va trop vite. À l’œil nu, tu vois juste un mouvement. C’est impossible d’imaginer faire la photo au bon moment. Cela sera toujours un quart de seconde trop tard ou trop tôt. Ce que j’ai pu faire avec le Nikon D5, ce sont des rafales de 10 photos par seconde, avec le flash qui suit. C’est aussi important que le flash puisse suivre ma rafale. C’est facile de faire des rafales, mais pour moi sous l’eau, il fallait que les flash aient le temps de se recycler et puisse émettre 10 éclairs en une seconde. Ça, c’était plus compliqué et avec le D5, cela fonctionnait très bien.

Certaines des images prises à Fakarava sont assez iconiques, certaines ont gagné des prix. Pouvez-vous nous en parler ?

Déjà, il y a celle qui a gagné le grand prix du Wildlife en 2021, qui est à gagner justement avec l’appareil. C’est la ponte des Mérous. Le hasard a fait que le nuage d’œufs prend cette forme en point d’interrogation, qui est assez symbolique du devenir incertain de ses œufs, puisqu’on sait que seulement un œuf sur un million donnera un adulte qui, un jour, se retrouvera là, au même endroit pour pondre à son tour. Il y a cette symbolique qui a dû plaire au jury. Puis malheureusement, il y a une symbolique de l’incertitude de la biodiversité en général. Ce point d’interrogation, ce nuage d’œufs avec les poissons qui sortent de derrière le nuage, évidemment, c’est un coup de fusil. On y est allé chaque année pendant 5 ans, et c’est seulement la quatrième année qu’on a vraiment réussi à comprendre le déclenchement de la ponte, pour être là au bon moment.

ACCOUPLEMENT DES MEROUS CAMOUFLAGES - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, - 30 M - GRAND PRIX WILDLIFE PHOTOGRAPHER OF THE YEAR 2021 © Laurent Ballesta
ACCOUPLEMENT DES MEROUS CAMOUFLAGES – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, – 30 M – GRAND PRIX WILDLIFE PHOTOGRAPHER OF THE YEAR 2021 © LAURENT BALLESTA

Comment se passe la plongée à ce moment-là ?

Ce sont des plongées compliquées. Il faut se lever au milieu de la nuit, se mettre à l’eau alors que non seulement il fait nuit, mais surtout que le courant est sortant, c’est-à-dire un courant qui va de l’intérieur à l’extérieur du lagon, qui t’entraîne au large dans l’océan. Parfois, dans certaines passes, c’est même très, très dangereux. Tu peux pas simplement te faire emporter au large, tu te fais en plus aspirer en profondeur. À Fakarava Nord, il y a déjà eu des morts, des plongeurs qui ont été pris dans les courants sortant et quand on a retrouvé en surface, ils étaient passés par 90 mètres de profondeur, sans pouvoir lutter. Mais Fakarava Sud, elle n’est pas trop dangereuse. Comme tous les courants sortant, c’est un peu désagréable, tu te fait balloter dans tous les sens, l’eau est trouble, t’es en pleine nuit, il y a des requins partout qui te foncent dessus. C’est un peu stressant, mais il faut y aller à ce moment-là, juste avant que le courant ne s’inverse, c’est le moment que les mérous vont choisir pour pondre le plus massivement. La ponte ne dure que 30 minutes par an. Tu peux aller plonger autant que tu veux, mais c’est ce court laps de temps qui compte. Et sur ces 30 minutes, il n’y en a que 10 qui sont vraiment exploitables, avec les premiers rayons du jour. Le reste se passe dans l’obscurité totale. C’est intense. Ça va tellement vite que tu es focalisé devant toi, et tout se passe derrière. Tu te retournes, c’est déjà terminé. En 30 minutes, 18 000 mérous se reproduisent. Tu te doutes que tu ne peux pas tout photographier, et que la majorité de l’action t’échappe.

Mais vous n’êtes pas seul sous l’eau ?

Non. J’avais deux plongeurs avec moi pour m’aider. Ils portaient mes flashs à plusieurs mètres de distance, ce qui permettait d’avoir une lumière plus diffuse et homogène sur toute la scène. Mais ça implique une vraie synchronisation : si je fais un demi-tour, le plongeur qui porte ma rampe de flashes doit suivre immédiatement, sinon il éclaire à côté. Il doit donc anticiper mes mouvements. Ce n’est pas un hasard si on a mis quatre ans avant de réussir les photos de cette ponte, et plus largement du comportement sauvage des animaux.

PLONGÉE DE NUIT SUR LE RECIF - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, - 7M © Laurent Ballesta
PLONGÉE DE NUIT SUR LE RECIF – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, – 7M © LAURENT BALLESTA
L’ARCHE D’IMADES - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, - 25 M © Laurent Ballesta
L’ARCHE D’IMADES – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, – 25 M © LAURENT BALLESTA

Quand vous êtes proche de la meute de requins, comment se passent les prises de vue ?

Ces scènes se répètent toutes les nuits pendant cette période. Pendant presque trois semaines, tu peux observer des chasses très intenses. Les mérous dorment la nuit, en attendant de se reproduire. Du coup, il y a énormément de prédation. Tu peux en voir 10, 15, voire 50 par nuit. C’est ultra rapide. Une vitesse démoniaque. Les gens pensent connaître les requins à travers des photos sur les réseaux : 99,9 % montrent des requins avec la gueule ouverte, mais ce n’est pas naturel. Il y a presque toujours du feeding, ou du smelling, ils ont été appâtés. Moi, je revendique : montrez-moi vos photos de prédation naturelle, et je vous montrerai les miennes. J’en ai des centaines, toutes prises à Fakarava sur 5 ans, toutes en conditions naturelles.

Un requin qui chasse, ce n’est pas pareil qu’un requin qui réagit à du poisson mort. Penser qu’on comprend la prédation parce qu’on a assisté à un feeding, c’est comme croire que nourrir un chien avec une gamelle, c’est comprendre une meute de loups en chasse. Le poisson mort ne demande aucun effort. Mais attraper un mérou ou un poisson écureuil, ce n’est pas simple : ce sont des proies évoluées, rapides, entraînées à l’esquive. Les chasses sont violentes, mais jamais désorganisées.

La première année, en 2014, on n’était même pas au courant de ces chasses nocturnes. On était là pour la ponte des mérous. Et en plongeant la nuit pour une mission de 24 heures, on a découvert ce phénomène. On était sidérés. Incapables de réagir ou de photographier correctement. C’est seulement la deuxième année que j’ai pu faire quelques images correctes. Il a fallu quatre ou cinq ans pour être à l’aise au milieu des requins, pour comprendre qu’on n’était pas des proies, juste des obstacles sur leur terrain de chasse. Parfois bousculés, oui, mais jamais confondus avec une cible.

LA MEUTE DES 700 REQUINS GRIS - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, - 30 M © Laurent Ballesta
LA MEUTE DES 700 REQUINS GRIS – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, – 30 M © LAURENT BALLESTA
REQUINS GRIS - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, - 30 M © Laurent Ballesta
REQUINS GRIS – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, – 30 M © LAURENT BALLESTA
CHASSE DES REQUINS GRIS - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, - 30 M © Laurent Ballesta
CHASSE DES REQUINS GRIS – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, – 30 M © LAURENT BALLESTA

Sous l’eau, comment les animaux marins réagissent-ils à un appareil photo et ses lumières ?

Ils n’aiment pas trop ça, mais le flash est très rapide, donc ça passe. La lumière continue peut être plus dérangeante. Mais ce qu’on a observé, c’est que la lumière de la lune a bien plus d’influence que nos propres éclairages. Le comportement des animaux change radicalement entre une nuit de pleine lune et une nuit noire. La lune, elle, modifie vraiment leurs actions. Nos lampes, à côté, sont négligeables.

Quelles étaient à l’époque les évolutions du D5 par rapport au modèle précédent, notamment pour la photographie sous-marine ?

La rafale était plus rapide, les ISO montaient plus haut sans trop de grain. En plongée nocturne, cela permettait de réduire la puissance des flashs pour gagner en vitesse de recyclage, et donc en efficacité. Le boîtier est aussi très robuste, ce qui est crucial en milieu humide. Avec les flashs compacts, il enregistre vite les images.

L’OEIL DU MEROU CAMOUFLAGE - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, - 30 M © Laurent Ballesta
L’OEIL DU MEROU CAMOUFLAGE – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, – 30 M © LAURENT BALLESTA

Vos projets sont d’abord scientifiques avant d’être photographiques. À Fakarava, est-ce que l’utilisation de votre appareil photo a permis de récolter des données scientifiques ?

Ce n’est pas l’un avant l’autre. Les deux s’enrichissent. Ce qui me motive, c’est le mystère : un phénomène qu’on ne comprend pas, qui n’a pas été observé. Et là, oui, l’image et la science ont le même poids. L’un nourrit l’autre. Souvent, il y a un vrai défi technique aussi : la plongée elle-même doit être repensée pour atteindre ces zones inexplorées.

Et oui, l’appareil photo est essentiel pour la science, surtout en grande profondeur. On utilise souvent des protocoles basés sur des prises de vue. Par exemple, on photographie au hasard dans un carré prédéfini, ce qui permet ensuite d’évaluer la biodiversité, la vitalité, la couverture des espèces fixées. C’est bien plus efficace que de passer des heures au fond, comme le ferait un botaniste sur terre.

On développe aussi des systèmes automatiques. En Corse, par exemple, on observe des poissons qui nidifient : on pose une caméra au fond, qui prend des timelapses pendant 24 ou 48 heures. Ça nous permet de suivre toute la construction du nid.

LES ANTHIAS - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, - 30 M © Laurent Ballesta
LES ANTHIAS – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNÉSIE FRANCAISE, – 30 M © LAURENT BALLESTA
ACCOUPLEMENT DES « MANINI » CHIRURGIENS BAGNARDS - PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, - 7 M © Laurent Ballesta
ACCOUPLEMENT DES « MANINI » CHIRURGIENS BAGNARDS – PASSE SUD DE L’ATOLL DE FAKARAVA, POLYNESIE FRANCAISE, – 7 M © LAURENT BALLESTA

Pour que la science répertorie une nouvelle espèce dans la classification, une photo ne suffit pas, il faut aussi un spécimen. Est-ce que vous, aujourd’hui, avez l’espoir qu’un jour, l’image suffise ?

En théorie, oui. Une photo très précise permettrait de compter les rayons, les écailles, de faire un vrai diagnostic. Mais la règle reste : il faut un spécimen conservé pour prélever l’ADN et établir le génome. La systématique, aujourd’hui, passe aussi par la génétique. Et cela, une photo ne peut pas le fournir. Ce qu’on peut espérer, c’est que la première observation photographique soit reconnue, que celui qui prélève plus tard rende hommage au premier observateur. Mais non, une photo seule ne suffira jamais.

Est-ce que vous avez une relation particulière avec votre appareil photo ou pour vous, cela reste du matériel ?

Cela reste du matériel. Je ne suis pas particulièrement soigneux. Mais c’est vrai que je n’ai jamais vendu un seul boîtier. J’ai encore tous mes anciens appareils, une vingtaine. Des Nikonos 5, des Nikonos RS, des D2X, D3, D4, D5, D6, Z… Le Nikon D5 à gagner pour ce concours… c’est la première fois que je me sépare d’un boîtier. Alors oui, c’est du matériel, je ne passe pas mes journées à les nettoyer, mais je les garde tous. Sauf celui-ci, du coup…

Inscrivez-vous au concours pour gagner le Nikon D5 de Laurent Ballesta ainsi qu’un tirage numéroté et signé de sa photographie primée en 2021. Plus d’informations sont disponibles dans cet article publié à l’occasion de son lancement.

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