Yorgos Lanthimos, du cinéma à la photographie

Le cinéaste grec de Pauvres créatures et Kinds of Kindness présente sa toute première exposition de photographies à la Webber Gallery à Los Angeles, qui offre une nouvelle perspective de son travail visuel et artistique.

En un peu plus de 20 ans, Yorgos Lanthimos s’est imposé comme un réalisateur fantasque et radical de la condition humaine. Avec 10 longs métrages à son actif, son cinéma a su conjuguer avec panache l’absurde, la romance, la fable dystopique, la satire sociale, le vice tragicomique, le drame intimiste, la fantasmagorie surréaliste… Un cocktail réflexif saupoudré d’humour acerbe. 

L’Athénien, nommé aux Oscars, récipiendaire de plusieurs prix à Cannes et à Venise, est ainsi parvenu à se faire un nom au-delà de sa Grèce natale. D’abord grâce à Canine (Kynódontas, 2009), centré sur des enfants isolés du monde extérieur par leur parent, puis avec The Lobster (2015), premier long métrage en version anglaise, axé sur une société déshumanisée où la vie de couple est obligatoire et le célibat banni.

© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.

Chef de file de la « Vague bizarre grecque », Lanthimos se fait un malin plaisir à s’attaquer aux desseins les plus méprisables et grotesques de l’humanité. Ici, il troque sa caméra pour un appareil photo. La Webber Gallery à Los Angeles, en collaboration avec l’éditeur Mack, met à l’honneur sa première exposition de photographies, entre couleur et noir et blanc, qui nous entraîne encore vers d’autres trames.

Au-delà de l’écran

« Tout médium commence par l’image fixe », rappelle- t-il. Son intérêt n’est donc pas nouveau. Le réalisateur a en effet appris les bases de la photographie à l’école de cinéma, dans sa ville natale, signant parallèlement au fil des années des éditoriaux et des campagnes de pub et de mode. 

Les œuvres exposées sur les cimaises de l’espace californien émanent de ses deux récents ouvrages : I shall sing these songs beautifully (Mack, 2024), issu du tournage de Kinds of Kindness, fable en triptyque à l’humour noir, et Dear God, the Parthenon is Still Broken (Void, 2024), tiré de celui de Pauvres Créatures (Poor Things), son allégorie victorienne et baroque.

© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.

Toutes ces photographies viennent questionner son envie d’aller plus loin que les coulisses et les plateaux, au-delà du processus de réalisation : « Y a-t-il d’autres types d’images que je pourrais créer à partir de cet univers que nous avons mis en scène ? » Son approche photographique offre ainsi un regard différent, occupant un espace liminal entre l’univers onirique du cinéma et les décors réels de la Nouvelle-Orléans et ceux en studio à Budapest. 

Les images révèlent dès lors une autre narration, plus minimaliste, suspendue, suggestive, détachée du temps et de l’espace. Ici, une piscine vide. Là, des corps fragmentés et des visages détournés. Ailleurs, des postures de femmes immobiles, inertes, parfois dans un jeu d’ombres et de lumières. Plus loin, des paysages urbains et un décor de rue désolée, jonché d’échafaudages. Tout devient étrange, anachronique, à l’arrêt, comme la fin d’une action qui vient de se dérouler.

Reconstruction d’un monde

Les installations d’éclairage, les villes reconstituées et les décors intérieurs de la fin du 19e siècle, construits à Londres, à Lisbonne, à Paris ou encore sur un bateau de croisière, servent ainsi de toile de fond. Lanthimos joue avec les intervalles, où l’équipe de tournage a quitté les lieux, abandonnant appareils et objets qui tissent à eux seuls encore des histoires imaginaires, comme cette machine Prangl qui a l’air d’avoir atterri sur Mars.

© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.

De la même manière, Lanthimos offre un autre point de vue sur ses acteurs et actrices. À l’exemple d’Emma Stone, ici prise de profil dans une image surannée, à la fois triste et perdue, éloignée de l’imperméable Bella Baxter de Pauvres Créatures qui lui a valu l’Oscar. Ou encore de Margaret Qualley (Kinds of Kindness), qui semble sortie d’un film muet, le visage tout aussi triste et comme maculé de sang. 

De la couleur au noir et blanc, le cinéaste grec sonde ainsi les moindres détails, observant ce qui l’entoure pour révéler ce qui se cache ailleurs. Il donne l’impression de vouloir reconstruire un monde morcelé, diffusant une atmosphère toujours troublante, autrement plus calme et silencieuse. Un lâcher prise où passé et présent se confrontent dans un espace indéfini entre réalité et fiction. 

Dans cette finalité, l’attrait de l’exposition se comble par les tirages argentiques, sortis de sa propre chambre noire. Qu’il s’agisse d’images fixes ou en mouvement, Lanthimos aime travailler ses prises de vue en pellicule dont il ressent une certaine « gravité » et « profondeur », mais aussi « indépendance » et « ouverture ». Il continue ainsi d’allier la technique à l’esthétique pour laisser libre cours à l’exploration et à l’interprétation de son univers qui s’échappe.

L’exposition « Yorgos Lanthimos : Photographs » est prolongée jusqu’au 21 juin 2025 à la Webber Gallery de Los Angeles. Plusieurs images de cette exposition sont issues de i shall sing these songs beautifully (2024), publié chez Mack et disponible au prix de 45€.

© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.
© Yorgos Lanthimos, 2024. Courtesy Yorgos Lanthimos / MACK.

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