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DERRIÈRE L’IMAGE - Amours parisiennes

DERRIÈRE L’IMAGE – Amours parisiennes

À l’occasion de la rétrospective Brassaï présentée au Fotografiemuseum d’Amsterdam jusqu’au 4 décembre 2019, Blind décrypte une image de ce photographe iconique de la vie parisienne.

Lové dans l’angle d’un café parisien qu’on imagine bruyant et festif, ce couple d’amoureux se toise, à mi-chemin entre la passion et la lutte. Cette vision par excellence des amours parisiennes s’éreintant dans la liesse de l’entre-deux-guerres – en 1932 – c’est au photographe roumain Brassaï qu’on la doit. Artiste multifacette lié aux avant-gardes parisiennes et à la photographie humaniste, Brassaï produit ici l’un des clichés les plus mythiques de la période, qui aura à lui seul infusé l’imaginaire collectif.


Couple d’amoureux dans un petit café parisien, Place d’Italie, vers 1932 © Brassaï

Si elle demeure évocatrice de son contexte par-delà les années, la prégnance d’une telle photographie tient à la précision et la subtilité avec lesquelles Brassaï l’a construite. Car tout le jeu et l’ambiguïté qui courent entre les amoureux se décèlent ensuite dans chaque strate de l’image. Chaque détail, chaque élément de composition, chaque attitude sont conduits et millimétrés par le photographe, pour que la scène se révèle en éclat au spectateur tout en laissant planer un léger doute. C’est là tout le génie de Brassaï, qui se fait connaître cette même année avec la publication de Paris de Nuit, et lui vaut le surnom de « l’œil de Paris » (H. Miller).

D’une scène préparée et posée, le photographe fait alors un véritable instant de vie dont on attend, en haleine, de connaître l’issue amoureuse. A l’instar du Baiser du peintre Gustav Klimt (1908-1909), il y a dans les regards du couple et dans la théâtralité des postures un interstice mal défini entre tension érotique et contrainte. Chaque élément du décor ancre ensuite cette image dans une exactitude naturaliste, qui parvient à nous faire oublier qu’elle est construite de toutes pièces. Enfin, l’usage des deux miroirs, réfléchissant chacun l’un des regards du couple, donne du jeu amoureux une vision à 360 degrés. Repoussant ainsi avec audace les limites de ce que l’appareil peut enregistrer, Brassaï reconstitue en un seul cliché tout un univers sentimental et parisien. Une représentation indémodable de l’amour (en) capital(e).

Par Anne Laurens

Brassaï

Du 13 septembre au 4 décembre 2019

Foam Fotografiemuseum, Keizersgracht 609, 1017 DS, Amsterdam

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