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L’album de famille de Linda McCartney

L’album de famille de Linda McCartney

Un nouveau livre de polaroïds inédits de L. McCartney publié chez Taschen.

© Linda McCartney

Malgré les loyers exorbitants et la surpopulation, malgré la saleté qui règne partout et le bruit incessant, les jeunes artistes, écrivains et photographes ont toujours voulu tenter leur chance à New York: d’innombrables histoires laissent espérer que tout peut arriver, quand la chance se combine avec la détermination.

L’une de ces histoires est celle de Linda McCartney.

En 1966, alors qu’elle travaillait comme assistante au magazine Town & Country, elle accepta une offre que le reste de l’équipe déclinait: un tour en bateau sur l’Hudson, à New York, pour faire la promotion des Rolling Stones. Et Linda – qui avait étudié l’histoire de l’art au collège et suivi quelques cours de la célèbre Hazel Larsen Archer – réalisa des images si intimes et séduisantes qu’elles furent publiées dans Town & Country.


© Linda McCartney

Au vu de ces images, on l’envoya photographier les Beatles et Neil Young, et elle devint bientôt la photographe attitrée du légendaire Fillmore East, l’un des clubs de rock les plus en vogue de la ville. Elle y prit des clichés de ceux qui le fréquentaient, d’Otis Redding aux Beach Boys en passant par Grateful Dead. Son talent et sa réputation grandissaient et, en 1968, ce fut la première femme photographe à voir l’une de ses images faire la couverture du magazine Rolling Stone

En 1969, après avoir épousé Paul McCartney, elle cessa presque de prendre des commandes – mais heureusement, pas de photographier. En effet, dès les premiers temps de son mariage, Linda commença à utiliser un polaroïd pour prendre des clichés des moments fugitifs de sa vie domestique avec Paul. Comparées à des séances de photos avec les Who et les Doors, celles de bains moussants et de lectures du soir peuvent sembler insignifiantes. Mais c’est le contraire que nous révèle l’ouvrage qui vient de paraître, Linda McCartney. The Polaroid Diaries. 


© Linda McCartney

En effet, l’attention étroite de Linda à la domesticité est empreinte d’une émotion évocatrice et d’une beauté vibrante de couleurs. Dans ces polaroïds, qui n’ont pas pâli au fil des ans, l’on peut voir les rouges vifs des coqs du jardin aussi bien que les jaunes moelleux des couchers de soleil sur la campagne. L. McCartney compose judicieusement ses images, et bien que ses sujets soient en perpétuel mouvement – animaux, jeunes enfants, Paul – le timing est excellent. Même en comparaison du flot d’images qui défilent sur Snapchat et Instagram, les photos de L. McCartney donnent un sentiment d’immédiateté si fort que l’on peut presque entendre le clic de son polaroid, en même temps que la friction de l’image glissant hors de l’appareil.

Et les clichés les plus beaux sont peut-être ces selfies que Linda avait pris 30 ans avant que le mot ne soit inventé.

Naturellement, les polaroïds, ne sont pas réputés pour la précision de leur rendu : la netteté de la mise au point cède le pas à la joie de l’instant. Et ces instants donnent vie à The Polaroid Diaries, un livre remarquablement intime composé d’environ 250 photos inédites. Dans sa contribution à l’ouvrage, Chrissie Hynde, chanteuse du groupe Pretenders, se demande pourquoi un plus grand nombre de photographes n’utilisent pas cet appareil emblématique: «Comme une démo, [ils] capturent l’atmosphère mieux qu’un enregistrement approprié. Cela doit être une question de qualité. Moi-même je privilégie la vibe. »  


© Linda McCartney

Non seulement ce livre restitue une ambiance, mais encore il présente un avantage incontestable : fournir l’occasion d’explorer la vie de Paul McCartney, qui compte certainement parmi les plus grandes stars du XXe siècle, le voir en vêtements d’intérieur, découvrir la décoration de ses murs et ses fréquentations. Oui, tout cela est dans ce livre (petite divulgation : l’on voit parfois Paul torse nu, et Steve McQueen et Ringo font des apparitions…)

Mais une chose curieuse se produit au fil de la lecture: la démangeaison voyeuriste se calme, et l’on prend conscience que Linda a rendu compte d’une histoire d’amour extraordinaire à travers des moments qui, pour la plupart d’entre nous, sont relégués dans le brouillard de nos souvenirs. « Les photos de L. McCartney », écrit Ekow Eshun, journaliste et curateur, dans une introduction à l’ouvrage traduite en français et en allemand, « relèvent le pari difficile de rendre compte de la vie quotidienne, avec toutes ses merveilles fluctuantes et évanescentes. »

Malheureusement, Linda est décédée d’un cancer du sein en 1998. Elle n’avait que 56 ans. Les photos intimes de ce livre ont été sélectionnées parmi les milliers de clichés qu’elle a pris durant plus de 20 ans. « Ce qui fait un photographe, a-t-elle dit, est davantage que la simple habileté technique. Cela provient de la force de l’intention. J’ai toujours appelé cela la signature visuelle. » Et dans The Polaroid Diaries, chaque page, chaque image porte sa signature.


© Linda McCartney

© Linda McCartney

Linda McCartney. The Polaroid Diaries

Par W.G. Gordon 

Linda McCartney. The Polaroid Diaries

$50

Taschen

Linda McCartney, Ekow Eshun, Reuel Golden

Hardcover, 10.2 x 10.2 in., 232 pages

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