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DERRIÈRE L’IMAGE - Avec le dos de la cuillère

DERRIÈRE L’IMAGE – Avec le dos de la cuillère

À l’occasion de l’exposition Reflets et transpercements de Patrick Tosani au musée de l’Orangerie, Blind décrypte une image de cet artiste français ayant fait du processus photographique son champ de création.

En septembre, nous vous faisions découvrir les ustensiles de cuisine de Jan Groover ; place désormais aux cuillères de Patrick Tosani ! Si les deux photographes se réunissent en cuisine pour leurs expérimentations photographiques, la démarche comme le résultat procèdent de trajectoires bien distinctes, soulignant toutes les potentialités qu’offrent le médium sur un même terrain de jeu. Expérimentateur, technicien, quasi scientifique, Tosani travaille en studio comme en laboratoire. La cuillère, son objet élu, devient le centre d’un protocole photographique minutieusement mis en place et reconduit, pour qu’advienne le résultat de l’expérience : la série.


J, 1988 © Patrick Tosani / Adagp, Paris 2019

Réalisée en 1988, la série Cuillères de Patrick Tosani est aujourd’hui réactualisée dans l’espace dédié aux  Nymphéas de Monet au musée de l’Orangerie, sous la forme d’un dialogue entre passé et présent qui fait naître de nombreuses correspondances. Tosani, en effet, explore tel un peintre impressionniste les potentialités de la série et, avec elle, la capacité de réinvention perpétuelle d’un seul et même objet par la photographie. Si la cuillère est toujours la même, la « cuillère J » – ainsi dénommée par l’artiste – est différente de toutes les autres, parce qu’elle est unique. Réfléchissant la lumière en deux points quasi symétriques sur sa face concave, son unicité vient précisément du portrait de lumière qu’elle offre à un instant T. Ainsi, l’instant d’après, la cuillère J n’existera plus et donnera jour à un nouveau portrait, une autre cuillère.

Le travail protocolaire permet au photographe de dresser le parallèle entre photographie et vision humaine, d’en rapprocher les imperfections, les infimes transformations et la capacité d’abstraction. Comme l’œil, le processus mécanique semble, à cette échelle, pouvoir capter l’empreinte du temps et être doué de sensibilité. Et Patrick Tosani parvient à nous le signifier avec le dos d’une cuillère. 

Par Anne Laurens

Tosani. Reflets et transpercements. 

Du 16 octobre 2019 au 17 février 2020

Musée de l’Orangerie, Jardin Tuileries, 75001 Paris 

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