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CE JOUR-LÀ - « Cigarette » par Stephen Shames

CE JOUR-LÀ – « Cigarette » par Stephen Shames

Avec Ce jour-là, les photographes sont invités à raconter les coulisses d’une de leur photographie. Aujourd’hui, le photographe Stephen Shames nous raconte une rencontre avec de jeunes américains au coin d’une rue… 

« J’ai passé toute l’année 1985 à photographier la pauvreté des enfants aux États-Unis, après avoir reçu une subvention de la Fondation Alicia Patterson. J’ai acheté une voiture et j’ai traversé le pays en commençant par le sud de la Californie, où j’ai vécu six semaines avec des familles sans abri que j’ai photographiées. J’ai été témoin de la crise agricole dans l’Iowa, j’ai vu les ghettos noirs de Chicago, rencontré des sidérurgistes de l’Indiana déplacés et sans emploi, des familles vivant dans la Floride rurale, la Philadelphie postindustrielle et le long de la frontière mexicaine au Texas.

Au début de l’été, j’ai rendu visite à mon ami D. Gorton à Cincinnati. Il m’a parlé de Lower Price Hill, un quartier de Blancs défavorisés venant du Kentucky et de Virginie-Occidentale. J’y suis allée et j’ai passé la majeure partie de la semaine à me promener, à parler aux gens et à prendre des photos. J’ai repéré les deux personnages de cette scène dans une piscine publique, je leur ai demandé si je pouvais les prendre en photo et ils ont accepté. Parfois, je passe beaucoup de temps avec les gens à observer et à attendre, mais dans ce cas, les choses se sont passées rapidement. J’ai pris cette photo, puis je les ai laissés et j’ai continué ma promenade dans le quartier.


Cigarette, 1985 © Stephen Shames

Je suis attirée par les images qui ont une composition simple, mais qui sont complexes psychologiquement. Cette scène avec deux enfants se détachant sur un mur et une porte en brique sombre était simple et expressive. Ce qui se passait était complexe, plein de danger et de douceur à la fois.

Le petit garçon qui fumait a attiré mon attention. Fumer à un si jeune âge est malsain. C’est un enfant à risque. Pourtant, le danger me semblait absent de cette scène, car elle comportait aussi quelque chose de tendre, de doux, presque. Le langage corporel disait tout. La main de l’adolescente sur la tête du petit garçon. L’expression de leurs visages. L’amitié entre eux. Le contraste entre la tendresse, l’affection et le caractère négatif du tabagisme, accentué par l’inscription « real rebels » sur le t-shirt de l’adolescente. L’interaction entre un petit garçon et une fille atteignant la puberté. L’imitation d’un comportement adulte et, malgré tout, la persistance d’une certaine innocence.

Bien sûr, je n’ai pensé à aucune de ces choses lorsque j’ai déclenché l’obturateur. Je n’ai fait que réagir à ce qui se passait. Lorsqu’on photographie, on n’a pas le temps de penser, il s’agit de ressentir – on doit être totalement immergé dans l’instant. »

Par Stephen Shames

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