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Cassio Vasconcellos : « Je veux toucher par l’émerveillement »

Cassio Vasconcellos : « Je veux toucher par l’émerveillement »

En cette période de confinement, sa photographie est une bouffée d’oxygène. L’artiste brésilien devait exposer à la galerie parisienne GADCOLLECTION son étonnant travail sur la nature luxuriante du Brésil. Tableaux merveilleux pour sensibiliser à l’urgence climatique. Rencontre.

De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

Peinture ? Photographie ? Cassio Vasconcellos aime torturer l’esprit. Son dernier projet est une plongée totale au coeur de la forêt tropicale. La lumière se fraye un chemin entre les étroits passages de la canopée. Le vert domine. Dense, pastel, irréel. On pense aux gravures du XIXe siècle. L’illusion est totale. Le photographe brésilien, né à Sao Paulo en 1965, sublime les forêts de son pays grâce à un long travail de postproduction. 

Habitué aux montages vertigineux comme ces amoncellements d’avions de ligne, Cassio Vasconcellos a quitté les airs pour s’enfoncer dans les bois. Voyage pittoresque à travers le Brésil, nous montre l’importance vitale de ce paradis terrestre. Après avoir exposé à la Fondation Cartier pour l’exposition Nous les Arbres, l’artiste est à la galerie parisienne Gadcollection (pour l’instant fermée en raison des mesures prises pour lutter contre le Covid-19). Cet été, il devrait aussi être présent dans les ruelles du festival photo de La Gacilly. 


De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

En 2015, vous décidez de réaliser un travail sur les premières explorations européennes au Brésil, quelle est la base de ce projet ? 

Je me suis inspiré des artistes voyageurs qui sont venus au Brésil au début du XIXe siècle. Trois missions scientifiques et artistiques sont arrivées dans le pays. Personne ne savait ce qu’il y avait réellement dans le pays.  Des artistes comme Jean-Baptiste Debret, Hercules Florence, Johann Moritz Rugendas ou le comte de Clarac ont dessiné les forêts brésiliennes pour la première fois. J’imagine l’émotion que ces artistes ont dû ressentir. Ces tableaux sont rentrés dans l’imaginaire des Brésiliens. Je voulais faire un travail photographique qui ressemble aux œuvres de ces artistes. Le nom de l’exposition, Voyage pittoresque à travers le Brésil, fait d’ailleurs référence aux titres des tableaux de Debret et Rugendas. 

Vos photos font particulièrement penser aux peintures du comte de Clarac…

Oui, c’est ma principale inspiration. Je n’ai jamais vu une représentation aussi belle d’une forêt tropicale. C’était l’une des premières et il n’y a pas eu d’équivalent depuis. Elle n’est pas forcément proche de la réalité, car, comme les autres peintres, le comte de Clarac mélangeait les espèces d’arbres pour faire une représentation complète de la forêt tropicale. Mais dans la construction de l’image, il y a une véritable émotion. 


De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

Je travaille chaque feuille, chaque détail

Avec ce travail, vous suivez aussi les traces de votre ancêtre Ludwig Riedel, qui a lui-même participé à l’une de ces missions… 

Depuis mon plus jeune âge, ma mère et ma grand-mère me racontent l’expédition de mon arrière-arrière-grand-père. Il était botaniste sur la mission Langsdorff, commandée par le Tsar Alexandre 1er. La plus grande jamais réalisée à l’époque. Ça fait partie de mon histoire personnelle. 

Comment avez-vous procédé pour obtenir ce rendu unique ?

Ce sont plusieurs étapes. Il y a la manière dont je prends la photo sur place avec des paramètres prédéfinis. Ensuite je retouche beaucoup sur ordinateur. Je travaille chaque feuille, chaque détail, pour obtenir ce résultat. Parfois, il me faut deux jours de traitement sur une seule photo. Il faut beaucoup travailler dans l’image pour arriver à cette esthétique proche de la peinture. Mais le plus long reste de trouver la bonne photo. 


De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

Ça a été le plus difficile ? 

Oui ! Trouver le bon endroit pour faire une composition est parfois très long. Ces lieux sont rares. Après trois heures de marche, on tombe sur un lieu et on voit tout de suite qu’il y a quelque chose d’intéressant à faire. Mais parfois j’ai marché pendant des heures pour rien. 

Où les photos ont-elles été prises ? 

La plupart des photos ne sont pas en Amazonie mais dans d’autres forêts du pays. Beaucoup ont été prises dans L’État de São Paulo et à Rio de Janeiro. A Rio, en plein cœur de la ville, il y a la forêt Tijuca. C’est la plus grande forêt urbaine au monde. Vers 1860, elle a été entièrement détruite par l’exploitation intensive du café. Sa destruction a mis en danger l’approvisionnement en eau potable de la ville. L’empereur Pierre II (1825-1891) a alors ordonné sa reforestation, également par soucis climatiques. A cette époque, des dirigeants pensaient déjà à ce genre de problématiques. Contrairement à notre président Bolsonaro. 


De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

Justement, quelle est votre opinion sur la politique de l’actuel président du Brésil,  Jair Bolsonaro ?

Sa politique est terrible. C’est un cauchemar. Il encourage les Brésiliens à détruire les forêts. Il coupe les subventions aux associations qui s’occupent de leur protection. Il considère que les Indiens possèdent trop de terres alors que ce sont eux qui protègent la forêt. C’est une mentalité qui nous ramène 50 ans en arrière.  

Votre projet est-il militant ? 

J’ai travaillé sur plusieurs questions. Historique d’abord, en instaurant un dialogue entre la peinture et la photographie. Mais ce projet pose avant tout une question écologique. J’espère qu’il va aider à faire réfléchir les gens sur l’importance de la forêt. À notre époque où une partie de la population n’y porte pas d’importance, c’est primordial de montrer pourquoi il faut la préserver. C’est un travail politique réalisé d’une manière artistique. Je veux toucher par l’émerveillement. 


De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

De la série Voyage pittoresque à travers le Brésil © Cassio Vasconcellos, Courtesy de la galerie GadCollection

Par Michaël Naulin

Cassio Vasconcellos

Galerie GadCollection, 4 rue du pont Louis-Philippe, 75004 Paris 

Site de l’artiste

Site de GADCOLLECTION : https://www.gadcollection.com/fr/

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