Christopher Anderson a beau être un photographe chevronné, habitué aux reportages sociaux, aux couvertures des plus grands journaux, aux portraits de célébrités, il prend des photos de famille avec la même application. C’est le propre de ceux ont marqué l’histoire de la photographie: savoir se sublimer dans n’importe quelle situation, avec toujours ce simple plaisir de regarder.
Quelles touchantes images de sa fille Pia l’on découvre dans le livre éponyme sorti fin septembre. L’intimité a toujours été la marque de fabrique de Christopher Anderson. Ici, elle paraît intemporelle. Pia à la ville, Pia à la mer, Pia à la fenêtre, Pia dans les bras de sa mère Marion, Pia au lit, Pia en train de manger, Pia déguisée. C’est comme une série de livres pour enfants dans laquelle chaque photographie serait le début d’un tomme. On pense aussi inévitablement à Jacques-Henri Lartigue ou Albert Lamorisse.
Il y a ce parfum de douceur, une atmosphère romantique, un bouquet de bonheur. Ces images que Christopher Anderson a touché avec les yeux, on a presque envie de les toucher avec les mains. Elles ont comme qualités la perfection de la composition et une association délicieuse des couleurs. Elle abondent surtout de petites touches d’humour, de petits détails qui font les belles photos et qui transcendent la banalité de la vie. Ou ce qu’elle a d’extraordinaire. Au choix.
Blind s’est entretenu avec Christopher Anderson à l’occasion de la sortie de son livre. Il nous parle de ses photos, de la relation avec sa fille et de son point de vue de photographe
Savez-vous à peu près combien de photos vous avez prises de votre fille Pia?
Pas même approximativement. Des milliers. Sans doute plus.
Quel âge a-t-elle maintenant?
Elle aura bientôt 8 ans.
Une ou plusieurs scènes que vous aimez en particulier, et pourquoi?
Je ne sais pas pourquoi, celle où elle mange une pastèque m’attire toujours. C’est la version de Pia la plus consciente elle d’elle-même. Elle a un visage stupide et impassible. C’est un humour complexe.
Elle semble très libre et aimée. Aime-t-elle être photographiée?
Elle aime ça. Souvent, c’est elle qui demande à être photographiée.
Si vous pouviez ajouter des mots sur vos photos, quels seraient-ils?
Vous connaissez le vieil adage? Quelque chose comme: si je pouvais écrire, je n’aurais pas besoin de photographier…
Marion, votre femme, apparaît ici et là sur de belles photos aussi. Pourquoi est-elle importante à côté de tant d’images de Pia?
L’un des fils conducteurs de ce livre est la relation entre le photographe et le sujet… pas seulement le père et la fille. La présence de Marion s’inscrit dans cette dynamique. L’exclure serait pénible. Pas l’inverse.
Au moment où vous photographiez Pia, pensez-vous que l’image est un simple souvenir de famille ou autre chose?
Je ne suis pas habilité à répondre à cette question. Le fait de photographier représente pour moi beaucoup de choses. C’est à la fois de la compulsion et une préservation de la mémoire, et en partie une excuse pour simplement regarder.
En tant que photographe, que pensez-vous de la publication de votre intimité? En tant que père?
Toutes mes images sont liées à l’intimité. Ce sont des fenêtres sur ma vie. Même mes photos de commandes. Tout est question de degré. De toute évidence, il y a un degré auquel quelque chose peut devenir trop intime. Je ne montre pas ces images là.
Par Jonas Cuénin
Jonas Cuénin est un éditeur et journaliste spécialisé en photographie. Ancien rédacteur en chef de Camera et L’Oeil de la Photographie, ses écrits ont également été publiés dans Photograph, ICP Perspective ou Polka.
Christopher Anderson, Pia
Publié par Stanley Barker
£40