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Danny Lyon, un portrait percutant du renouveau urbain à New York

Danny Lyon, un portrait percutant du renouveau urbain à New York

Cinquante ans après sa publication, le livre majeur de l’Américain Danny Lyon vient d’être réédité. Il nous offre une réflexion intemporelle sur les relations entre les habitants, le pouvoir, la richesse et l’immobilier à New York.
80 and 82 Beekman Street, 1967; de The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture

En 1966, à l’âge de 23 ans, Danny Lyon revient dans son New York natal. Il est alors une star émergente sur la scène photographique: il couvrira durant cinq ans le Mouvement des droits civiques en tant que photographe officiel du Comité de coordination non-violent des étudiants (SNCC). Egalement lié à un groupe de motards criminalisés, le Chicago Outlaws Motorcycle Club, il travaille à ce qui deviendra The Bikeriders (1968), une monographie marquante, incarnant le Nouveau journalisme émergent.

Beekman Street et le site de démolition du Brooklyn Bridge Southwest Project, 1967; de The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture

Lyon s’installe dans le sud de Manhattan (Downtown Manhattan), à l’époque où le quartier est sur le point d’être détruit pour laisser place au World Trade Center, dont la construction est financée par David Rockefeller, fondateur de la Downtown Manhattan Association et frère du gouverneur de New York alors en fonction, Nelson Rockefeller. Les Rockefeller ont décidé de lancer un programme de “renouveau urbain” rayant de la carte un quartier entier datant de plus d’un siècle, et conscient que ce moment est historique, Lyon se met au travail. The Destruction of Lower Manhattan, un livre marquant publié en 1969 et qui vient d’être réédité par Aperture, brosse le portrait d’un monde sur le point de disparaître.

Beekman Street, un dimanche matin. Ginco, Tonto, Frankie, John Jr. et Nelson, après avoir exploré l’immeuble, 1967; de The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture

« J’en étais venu à considérer les bâtiments comme des fossiles d’une époque disparue », écrit Lyon dans l’introduction du livre. « Ces bâtiments avaient connu la guerre civile. Ils avaient survécu aux hommes, et restaient debout tandis que la ville se développait autour d’eux. Les gratte-ciels avaient émergé de la roche de Manhattan comme des montagnes de la terre. Et coincées entre eux, ici et là, dans leurs vieilles rues étroites, demeuraient les habitations des morts, celles qui avaient, en leur temps, été les nouveaux bâtiments et qui, à présent, attendaient leur démolition. »

le site du pont de Brooklyn vu du toit de l’hôpital Beekman. Gold Street est au premier plan et Beekman Street sur la droite. Le restaurant Gars, au coin de la rue Beekman, a été fondé en 1827, 1967; de The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture

Portrait de la disparition d’un monde 

The Destruction of Lower Manhattan est un portrait incisif d’un monde qui va disparaître, et une chronique élégiaque de l’utilisation des ouvriers comme des pions par les élites fortunées, celles-ci exerçant le pouvoir de la même manière que l’on manœuvre une masse de démolition. Comme le révèlent les photographies et le journal de Lyon, la classe dominante pouvait détruire près de 250 m2 d’architecture sans se salir les mains. C’est aux groupes les moins influents que les dominants faisaient appel – Slaves, Italiens et Noirs américains venus dans le nord pendant la Grande Migration – pour anéantir des communautés tout entières, cela pour seulement 5,50 $ l’heure.

Travailleur sur les murs, 1967. De The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture

Qu’il s’agisse de l’image d’un couple de démolisseurs travaillant nonchalamment devant une porte, ou de gamins du coin jouant dans la rue un dimanche matin, Lyon porte une attention inégalée à la nuance et au détail. Ses scènes lumineuses de bâtiments solennels, en voie d’être changés en décombres et poussière, offrent un contraste dérangeant avec les images de logements vides où l’on voit, ça et là, des meubles abandonnés, ou une photographie oubliée sur un mur. 

Loin d’avoir, sur son sujet, le regard d’un passant, Lyon l’aborde de l’intérieur ; grâce à sa connaissance et sa compréhension d’un monde qui disparaît sous ses yeux, nous saisissons l’impropriété du terme « renouveau urbain ». Ce dont témoigne Lyon, c’est cette corruption qui gangrène la nation depuis ses origines, et favorise la propriété plutôt que les gens au bénéfice de l’élite au pouvoir.

Un brûleur est soulevé pour couper les boulons de la façade en fonte du 82 Beekman Street. La fonte est ensuite mise en pièces avec une masse, 1967; de The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture

Par Miss Rosen

Miss Rosen est auteur. Basée à New York, elle écrit à propos de l’art, la photographie et la culture. Son travail a été publié dans des livres, des magazines et sur des sites Web, notamment Time, Vogue, Artsy, Aperture, Dazed et Vice.

Huey et Dominick, contremaîtres. Les deux hommes ont fait tomber de nombreux bâtiments sur le site du pont de Brooklyn. Dominick a dirigé la démolition du 100 Gold Street., 1967; de The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture
West Street between Jay et Duane Streets, 1967; de The Destruction of Lower Manhattan (Aperture, 2020) © Danny Lyon, courtesy Aperture

Danny Lyon: The Destruction of Lower Manhattan

Publié par Aperture

$50.00

https://aperture.org/books/danny-lyon-the-destruction-of-lower-manhattan/

Une discussion avec Danny Lyon est organisée par Zoom le 24 octobre 2020.

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