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Dawoud Bey, la vie intérieure

Dawoud Bey, la vie intérieure

Parution de Street Portraits, recueil de portraits d’Afro-Américains pris entre 1988 et 1991 dans plusieurs villes américaines.
Dawoud Bey, Un garçon qui mange un Foxy Pop, Brooklyn, NY, 1988, de Street Portraits (MACK, 2021)
© Dawoud Bey. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

En parallèle de son exposition au Whitney Museum of American Art, à New York, Dawoud Bey publie, chez Mack, Street Portraits, dédié à son fils Ramon. C’est un livre très vif, où la nostalgie n’a pas de place, il ne s’agit pas pour lui de jouer avec le temps, mais plutôt de montrer ce qui le lie à ces soixante-dix inconnus croisés dans l’État de New York (Brooklyn, Rochester, Amityville) et à Washington D.C., entre 1988 et 1991. Ce sont tous des Afro-Américains, comme lui, « des frères d’âmes » aurait écrit l’écrivain Chester Himes, grand connaisseur de Harlem, là où se sont rencontrés les parents de Dawoud Bey. Qui est né David Edward Smikle dans le Queens le 25 novembre 1953, et qui vit aujourd’hui à Chicago. Il a été musicien (fan de John Coltrane, de sa « spiritualité ») ; il est devenu photographe ; depuis 1998, il enseigne la photographie au Columbia College de Chicago situé à deux pas du Museum of Contempory Photography.

Dawoud Bey, Une jeune fille avec des médailles de l’école, Brooklyn, NY, 1988, de Street Portraits (MACK, 2021) © Dawoud Bey. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

Parmi les photographes qui l’ont marqué dans ses jeunes années, il cite trois célèbres Harlémites : James Van der Zee (1886-1983), Gordon Parks (1912-2006) et Roy DeCarava (1919-2009). De ses aînés ayant connu le mouvement culturel de la « Renaissance de Harlem » (1918-1937), Dawoud Bey poursuit l’histoire, insistant sur le pouvoir de la photographie pour franchir les obstacles et « transformer les stéréotypes, rassembler les communautés et créer le dialogue »

Renouant avec ses racines familiales à Harlem, Dawoud Bey a fait une série, « Harlem USA » (1975-1979) qui, sans être un reportage à la Parks, y décrivait subtilement la vie quotidienne. Street Portraits, tout en se concentrant sur l’individualité, propose de côtoyer ces inconnus, comme si nous allions engager la conversation avec eux. Dans les légendes de ses photographies, à part un ou deux noms cités, Bey a choisi de les décrire, soit dans leur attitude, ou leurs accessoires, ou simplement en indiquant le lieu précis où il les a saisis. Ce qui est remarquable, et visible au premier regard, c’est l’échange qui a eu lieu avant la prise de vues. Du coup, il n’y a aucune tension parmi les modèles photographiés, mais une sorte de détente, parfois même d’abandon, comme s’ils se sentaient protégés. Souvent, les portraits de rue, pris à la volée, induisent une certaine violence et une prise de pouvoir évidente, là, non, bien au contraire, tout est paisible, pas d’inquiétude. 

Dawoud Bey, Un homme à Fulton Street et Cambridge Place, Brooklyn, NY 1988, de Street Portraits (MACK,2021) © Dawoud Bey. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

Dawoud Bey aime à préciser combien il cherche « à créer une représentation visuelle de l’intériorité ». Ce n’est pas juste une déclaration, c’est l’une des richesses de cet artiste de donner du sens à ses portraits de Noirs américains, en les révélant dans leur intégrité. Fidèle à l’engagement de Roy DeCarava qui déclara, lorsque lui fut attribuée, en 1952, en tant que Noir américain, la première bourse Guggenheim : « Je veux montrer la force, la sagesse, la dignité du peuple noir. Pas ce qui est célèbre et pas le connu d’avance, mais l’insoupçonné et ce qui ne porte pas de nom, révélant ainsi les racines d’où jaillit la grandeur de tous les êtres humains. »

Par Brigitte Ollier

Brigitte Ollier est une journaliste basée à Paris. Elle a travaillé durant plus de 30 ans au journal Libération, où elle a créé la rubrique « Photographie », et elle a écrit plusieurs livres sur quelques photographes mémorables.

Dawould Bey, Street Portraits, Mack, 120 pages, 45 €. Avec un essai de Greg Tate. Plus d’informations ici.

“Dawoud Bey: An American Project”, Whitney Museum of American Art, du 17 avril au 3 octobre 2021. Plus d’informations ici.

Parmi les nombreux livres de Chester Himes, ses mémoires : Regrets sans repentir / The Quality of Hurt (volume 1) – My Life of Absurdity (volume 2)

Dawoud Bey, Un garçon avec un plâtre, Brooklyn, NY 1988, de Street Portraits (MACK, 2021) © Dawoud Bey. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK
Dawoud Bey, Une femme à Fulton Street et Washington Avenue, Brooklyn, NY 1988, de Street Portraits (MACK, 2021) © Dawoud Bey. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK
Dawoud Bey, Peg, Brooklyn, NY 1988, de Street Portraits (MACK, 2021) © Dawoud Bey. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

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