
Deux photos du projet de 2017 de Clementine Schneidermann et Charlotte James, It’s Called Ffasiwn (Ça s’appelle Ffasiwn), accueillent le visiteur. L’une dévoile un groupe d’enfants gallois lors d’une fête de rue improvisée. Les enfants sont vêtus de gris dans une rue décorée de ballons violets et lilas et les maisons sont barricadées, témoins délabrés de la déliquescence économique des vallées galloises.
Sur le mur opposé, une magnifique image en noir et blanc de Paul Trevor d’une bande de gamins dans une autre rue loqueteuse, cette fois à Liverpool en 1975. Les enfants ont les cheveux longs et des pantalons larges. La rue est traversée par une fine couche de brume. On a le sentiment que le « déclin géré » auquel le gouvernement de Margaret Thatcher soumettra la ville dans les années 1980 est déjà en marche.

Les images de Clementine Schneidermann et de Paul Trevor partagent le même sujet – un groupe d’enfants sur fond de décrépitude urbaine – mais leurs approches sont radicalement différentes. Celle de Clementine Schneidermann se veut collaborative et se concentre sur la participation et le consentement, tandis que Paul Trevor est davantage axé sur l’observation. L’idée sous-jacente est de témoigner.
Si cette diversité fait la force de l’exposition, c’est aussi par là qu’elle pèche. L’éventail des sujets est parfois déconcertant, avec des images de France, de la République d’Irlande ou des îles Malouines.

Prises individuellement, les photographies sont fantastiques et vont des grands formats poétiques de Chris Killip pris dans le nord-est de l’Angleterre aux autoportraits de Jo Spence commentant l’histoire de la photographie, en passant par les représentations sculpturales de Lorenzo Vitturi sur la diversité et la gentrification des marchés londoniens.
On découvre, à travers cette exposition, une autre idée de ce que peut être la photographie documentaire (et cela pourrait sans doute être davantage mis en valeur) via un melting-pot de l’histoire sociale britannique des 80 dernières années. Les couleurs éclatantes des photos promotionnelles de John Hinde pour des villages de vacances illustrent les espoirs de la classe ouvrière britannique d’après-guerre. Il y a aussi les images de Sunil Gupta qui documentent ce que signifie être gay en Inde. Les problèmes de classes sont évoqués plus ou moins frontalement dans les clichés de Karen Knorr, Daffyd Jones et Richard Billingham, tandis que les portraits des années 1970 de Daniel Meadows démontrent que la photographie peut susciter une empathie, que l’on soit derrière ou face à l’objectif.

Les images des luttes politiques nous replongent au cœur des émeutes contre la poll tax ou des troubles en Irlande du Nord. Les clichés de Pogus Caesar rappellent à notre bon souvenir les manifestations contre les violences policières à Handsworth.
La dernière photo de l’exposition, d’un point de vue chronologique, est celle de Colin Moody : la statue d’Edward Colston, marchand d’esclaves, jetée dans le port de Bristol en juin 2020. Un cliché illustrant l’évolution du sens de l’histoire, et que certaines histoires sont passées sous silence. « Island Life » nous rappelle que la photographie peut nous aider à nous raconter et ainsi, à mieux nous connaître et ce, de nombreuses façons.
Par Colin Pantall
Colin Pantall est un écrivain, photographe et conférencier basé à Bath, en Angleterre. Sa photographie traite de l’enfance et des mythologies de l’identité familiale.



