
Ce sont des tableaux extrêmement travaillés, où chaque chose est choisie avec soin, à la façon des peintres qui se sont fait une spécialité de la nature morte tel Chardin ou plus récemment, Cézanne. Il vient immédiatement ce sentiment devant les compositions d’Irving Penn que ces dernières s’inscrivent dans une longue tradition picturale, bien qu’elles adoptent des codes et utilisent des objets moins anciens.
Ainsi, la première photographie qui ouvre cette exposition est le gros plan d’une lampe, appareil typique de nos sociétés modernes qui, ici révélé par le travail du photographe et notamment le choix du cadre, lui donne un aspect étrange, l’impression que l’ampoule est l’œil énorme d’un monstre et qu’il nous regarde avec intensité.

Crâne de girafe
Cette capacité à faire parler les objets se poursuit dans les clichés suivants. Ici ce sont des cuillères qui recueillent de l’huile et du vinaigre tandis qu’un morceau de salade est posé nonchalamment sur une table. Là, c’est un broc de faïence sur lequel court une immense fissure. Là, un crâne de girafe dans sa beauté spectrale et sculpturale.
Irving Penn invente des mises en scène où se conjuguent les matières, où l’organique se dispute avec l’inanimé. Parfois, comme un peintre classique, il laisse une mouche se poser sur un fruit. Symbole absolu de notre vanité et de la pourriture que nous deviendrons un jour, repas des mouches.
Ses natures mortes sont semblables à un dîner abandonné sur une table alors qu’on l’a quittée précipitamment. Entre aliments non consommés et assiettes cassées. Elles sont ce qui reste d’un passage d’être humain, les traces mêmes d’une vie, le legs d’une fanaison.



Par Jean-Baptiste Gauvin
Irving Penn, Still Life
Du 7 novembre 2019 au 7 mars 2020
Galerie Thaddaeus Ropac
7 Rue Debelleyme, 75003 Paris