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Jean-Pierre Leloir, photographe en promenade

Jean-Pierre Leloir, photographe en promenade

Jean-Pierre Leloir est à l’honneur cet automne à la galerie Durev à Paris. À travers une sélection axée sur le rock, on s’immerge dans une période mythique de l’histoire musicale. L’occasion de redécouvrir l’œuvre de ce photographe-mélomane.
Jimi Hendrix, Olympia, Paris, 18 octobre 1966 (premier concert en France) © Jean-Pierre Leloir

The Rolling Stones, Jimi Hendrix, Johnny Hallyday, Queen… Autant de monstres sacrés réunis sur les murs de la galerie Durev, à Paris. « Rock by Leloir » plonge dans les archives de Jean-Pierre Leloir (1931-2010), un photographe dont on ne retient trop souvent qu’une seule image : celle de Georges Brassens, Jacques Brel et Léo Ferré réunis un jour en 1969 dans un salon parisien. Pourtant, l’homme a nourri de ses clichés l’imaginaire de générations d’amateurs de musique, en particulier dans les années 1960 et 1970, à une époque où l’on ne pouvait pas compter sur Internet pour goûter l’ambiance des concerts auxquels on n’avait pas eu la chance d’assister.

Philippe Manœuvre, ancien de Rock & Folk et parrain de l’exposition, l’affirme : Leloir est « un nom qui fait rêver les amateurs de musique ». C’est que Jean-Pierre Leloir a participé à coups de déclencheur à construire la légende du magazine lancé en 1966 par Philippe Koechlin. Tous deux avaient déjà travaillé ensemble pour Jazz Hot. Grand amateur de jazz, Jean-Pierre Leloir a tissé au fil des concerts une relation de confiance avec les plus grands musiciens. Les portraits de Ray Charles ou Aretha Franklin aussi présentés à la galerie Durev en témoignent.

The Rolling Stones, Paris, 22 septembre 1970 © Jean-Pierre Leloir

« Les musiciens l’acceptaient parce qu’il ne les gênait pas », raconte Marion Leloir, sa fille. « C’était un artiste qui regardait d’autres artistes, il y avait un grand respect. » Mélomane aux goûts éclectiques, Jean-Pierre Leloir était aussi à l’aise dans l’ambiance feutrée des concerts de musique classique que dans l’agitation des concerts de rock. « Il faisait jusqu’à cinq reportages par jour, il captait tous les moments de la vie musicale sauf la vie privée. Ce n’était pas un paparazzi », souligne Marion Leloir. « Nous avons conservé ses agendas, certaines pages sont insensées : il pouvait photographier Maria Callas et Lionel Hampton dans la même journée ! » 

Quand il n’était pas sur le terrain, Jean-Pierre Leloir recevait les musiciens dans son studio. Des prises de vues qui ont souvent servi pour les pochettes de disque. Mais il ne faudrait pas penser que l’univers musical constituait sa seule inspiration. « C’est l’histoire qui a spécialisé mon père. Il se décrivait lui-même comme un “photographe en promenade”. Il ne photographiait pas que la musique ! » Dans les archives du photographe, dont s’occupent Marion Leloir et Eric Facon, son ancien tireur, dorment près de 30 000 planches de 25 poses en moyenne. Des photos de rue, de cocktails, de paysages… Des images de France mais aussi de ses voyages, notamment aux Etats-Unis où il se rendait régulièrement avec sa femme. « Il a été fait citoyen d’honneur de la Nouvelle-Orléans car il a beaucoup photographié Sidney Bechet », se souvient Marion Leloir. Il faut dire que Jean-Pierre Leloir a vécu les années glorieuses du jazz, mais aussi du rock. « Beaucoup des photos qu’il a prises seraient impossibles à faire aujourd’hui où les artistes sont toujours entourés de tout un sérail. »

Frank Zappa , Paris, octobre 1968 © Jean-Pierre Leloir

Dans les années 1970, les maisons de disques resserrent leur contrôle sur les prises de vues. Les contraintes se multiplient : plus d’accès aux coulisses et encore moins à la scène, autorisation de shooter uniquement pendant les trois premiers titres… Jean-Pierre Leloir ne peut plus travailler comme il l’entend. Car c’est ce qui fascine le plus quand on découvre l’exposition, cette proximité avec les musiciens, la façon qu’avait Jean-Pierre Leloir de transcrire en une image fixe l’énergie, le charisme et l’intensité des musiciens sur scène. Il ne photographiait pas seulement des artistes, il arrivait à capter leur musique-même. Philippe Manœuvre ne s’y est pas trompé : « Tous ces documents fabuleux, témoins d’une époque révolue, continuent à exister, à vivre, à palpiter d’électricité incandescente. »

Par Laure Etienne


Laure Etienne est une journaliste basée à Paris, ancienne membre de la rédaction de Polka et ARTE.

« Rock by Leloir », exposition de Jean-Pierre Leloir avec la complicité de Marion Leloir, Agnès Vergez (BITL Agency) et Gamma-Rapho. A voir à la galerie Durev, 56, boulevard de la Tour-Maubourg, Paris VIIe, jusqu’au 8 décembre 2021.

Bob Marley, Jamaïque, juillet 1979 © Jean-Pierre Leloir
Jimi Hendrix, Issy-les-Moulineaux, 11 mai 1967 © Jean-Pierre Leloir

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