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Joe Conzo, un regard sur le Bronx des années 1970

Le photographe Joe Conzo Jr. est né et a grandi dans le sud du Bronx, à New York. Par un concours de circonstances, il s’est retrouvé, adolescent, au cœur de mouvements culturels et activistes du quartier. Aujourd’hui, 45 ans plus tard, une sélection de ses photographies est exposée au Bronx Documentary Center jusqu’au 21 avril.

Le photographe Joe Conzo Jr. est né dans ce quartier du nord de la ville de New York en 1963. Très tôt, il se passionne pour la photographie grâce à son beau-père, un photographe amateur qui passe son temps à le photographier, ainsi que ses frères et sœurs, et leur quotidien. C’est aussi à l’école qu’il se familiarise avec le métier.

« À l’époque, je fréquentais une école privée de l’université de Columbia, Agnes Russel, qui enseignait la photographie », raconte le photographe. « J’ai mon bulletin scolaire qui indique que j’excelle alors en photographie. Ma famille a continué à soutenir ma passion pour la photographie, en particulier ma mère. »

À l’âge de 10 ans, Joe Conzo promène son appareil photo tous les jours, photographiant tout, des débrayages dans les écoles aux tristement célèbres incendies qui ont ravagé le Bronx à cette époque, en passant par les battles de rap entre les Cold Crush Brothers et d’autres groupes fondateurs du mouvement hip-hop.

Johnny Pacheco lors d'une fête pour Charlie Palmieri au Beau's, dans le Bronx. 1980 © Joe Conzo Jr.
Johnny Pacheco lors d’une fête pour Charlie Palmieri au Beau’s, dans le Bronx. 1980 © Joe Conzo Jr.
Une jeune fille proteste contre le film "Fort Apache, The Bronx" dans le Bronx, organisé par le CAFA (Comité contre Fort Apache). Sur sa pancarte, on peut lire : "Fort Apache est un film anti-noir et anti-Puerto Rican". 1980 © Joe Conzo Jr.
Une jeune fille proteste contre le film “Fort Apache, The Bronx” dans le Bronx, organisé par le CAFA (Comité contre Fort Apache). Sur sa pancarte, on peut lire : “Fort Apache est un film anti-noir et anti-Puerto Rican”. 1980 © Joe Conzo Jr.

Sa famille joue également un rôle au sein de ces univers qu’il est venu photographier. Son père est le confident personnel du célèbre musicien Tito Puente, qui assure la promotion de certains des plus grands spectacles de salsa de l’époque. Sa grand-mère est Dr Evelina Antonetty, également connue sous le nom de “Hell Lady of the Bronx”, une importante militante des droits civiques des minorités aux États-Unis. Elle s’est engagée à améliorer la qualité de vie des enfants portoricains du Bronx. Son travail débouchera sur une éducation bilingue pour ces enfants hispaniques et des programmes de repas gratuits pour leurs familles. Quant à sa mère, Lorraine Montenegro, elle fonde United Bronx Parents, une agence de services sociaux qui propose alors une meilleure éducation aux enfants, des services aux personnes âgées et dirige un établissement pour les femmes et les enfants qui luttent contre la toxicomanie.

« Ces années ont été décisives pour le Bronx. C’était l’apogée de la dégradation urbaine. Deux présidents se sont rendus dans le quartier, Jimmy Carter en 1977 et Reagan en 1980. Enfant, je prenais déjà des photos. À l’adolescence, je me suis amélioré et j’ai commencé à développer mon propre style. Cette période représente la naissance du hip-hop, l’essor de la musique latine, l’activisme communautaire et toute une beauté du Bronx en période de turbulences. »

Pompiers en train d'arroser un incendie dans un immeuble près de Macy Place. Le Bronx, 1980 © Joe Conzo Jr.
Pompiers en train d’arroser un incendie dans un immeuble près de Macy Place. Le Bronx, 1980 © Joe Conzo Jr.

Grandir à cette époque a été un « baptême du feu », comme l’écrit Joe Conzo. C’est une époque de délabrement urbain sans précédent. La municipalité de New York, au bord de la faillite, ne fait pas grand-chose, et le système éducatif en ruine laisse beaucoup de gens avec un avenir incertain. La culture et les gens, eux, restent dignes et beaux, et Joe Conzo est là au bon moment et au bon endroit, avec son appareil photo, pour tout documenter.

Le photographe a lui-même succombé à certains des problèmes de son époque, tombant pendant un certain temps dans la drogue et le sans-abrisme. Il réussit pourtant à changer de vie et finit par rejoindre le service des pompiers de la ville de New York en tant qu’ambulancier. Il sera de ceux qui travailleront bien des années plus tard, sur le terrain des attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001.

Festival de rue, Third Ave. Hub, The Bronx © Joe Conzo Jr.
Festival de rue, Third Ave. Hub, The Bronx © Joe Conzo Jr.
Charlie Chase des Cold Crush Brothers au Club Negril. 1981 © Joe Conzo Jr.
Charlie Chase des Cold Crush Brothers au Club Negril. 1981 © Joe Conzo Jr.
Charlotte St., The Bronx. 1980 © Joe Conzo Jr.
Nettoyage du terrain de United Bronx Parents près de Westchester Avenue Stebbins Avenue-Hewitt Place © Joe Conzo Jr.
Nettoyage du terrain de United Bronx Parents près de Westchester Avenue Stebbins Avenue-Hewitt Place © Joe Conzo Jr.

Ses archives de photographies du Bronx ont été jusqu’ici conservées par sa mère et les membres des Cold Crush Brothers. En 2008, l’ensemble de sa collection de photographies et de documents divers a été intégré à des archives conservées à l’université Cornell, à Ithaca, près de la mégapole américaine. L’université a entamé le processus de numérisation de plus de 10 000 de ses photographies. Ces archives sont considérées par les experts et les universitaires comme une source importante pour comprendre les racines de la culture hip-hop et le paysage urbain de New York dans les années 1970 et 1980.

L’organisation de l’exposition au Bronx Documentary Center est également un projet en soi. Les tirages à la gélatine argentique de l’exposition ont été directement réalisés au sein du laboratoire du centre d’exposition, à partir des négatifs originaux de Conzo, qui ont été prêtés par l’université Cornell.

« C’était une aventure pleine d’émotions », explique le photographe. « Essayer de trouver un équilibre entre les images pour transmettre mon sentiment de fierté d’avoir documenté ma communauté. Il existe tellement de récits différents sur le Bronx pendant cette période, et je voulais simplement partager le mien, celui d’un jeune Portoricain qui a grandi dans un quartier si stigmatisé. »

Danseurs en patins à roulettes lors d'un festival de rue, Third Ave. Hub, dans le Bronx. 1981 © Joe Conzo Jr.
Danseurs en patins à roulettes lors d’un festival de rue, Third Ave. Hub, dans le Bronx. 1981 © Joe Conzo Jr.
Abigail and Rachel Ruiz, Michelangelo Apartments, The Bronx. © Joe Conzo Jr.

Ce que Joe Conzo espère avec l’exposition de ses photographies, après quatre décennies écoulées et un quartier qui a changé de façon spectaculaire à bien des égards ? « Que les gens soient transportés dans le temps en voyant la beauté du Bronx et certains des obstacles que nous avons surmontés, et qu’ils aient un peu d’espoir ! »

L’exposition « Conzo : A Look Back at the Bronx, 1977-1984 » est présentée au Bronx Documentary Center, à New York, jusqu’au 21 avril 2024. Plus d’informations sur le site web du Bronx Documentary Center.

Les archives de Joe Conzo peuvent être consultées sur le site web de la bibliothèque de l’université de Cornell.

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