
Colonie britannique et lieu d’implantation des comptoirs français et néerlandais, l’Inde de la seconde moitié du XIXème siècle fascine ses nouveaux occupants qui, très vite, voient dans le nouveau procédé qu’est la photographie un moyen d’exprimer cette fascination. L’exposition L’Inde, au miroir des photographes propose au visiteur une véritable cartographie de cette fascination, en découvrant région par région le visage d’un pays d’un autre temps, apparu comme une terre de prédilection aux premières générations de faiseurs d’images.
Pérégrinations indiennes
Accueillie au premier étage de la rotonde du musée Guimet, l’exposition ressemble à une pérégrination, puisque chaque nouvelle région donne lieu à une étape où la découverte des photographies s’enrichit d’un exposé historique et contextuel très détaillé. Les photographies présentées sont des tirages originaux, de la fin des années 1850 jusqu’aux années 1890, réalisées par des photographes majoritairement britanniques (Linnaeus Tripe, Samuel Bourne, Baker & Burke) et français, mais également anonymes. De Bénarès à Delhi et jusqu’au Cachemire, des grottes d’Elephanta au mausolée du Taj Mahal, l’Inde apparaît comme un terrain de jeu infini pour la photographie, tant la diversité des paysages, des architectures et des coutumes nourrie l’œil des photographes, en même temps qu’une vision fantasmée du pays pour l’étranger.

Outre l’aspect historique prédominant de l’exposition, la rendant parfois assez peu digeste, ce tour d’horizon indien est saisissant pour l’histoire de la photographie et d’une culture visuelle qu’il trace en creux. A mesure, en effet, que les photographes progressent et que la technologie se perfectionne, les compositions et le traitement de la lumière se font plus virtuoses. Les sites architecturaux, baignés entre ombres et lumière, prennent des allures de décors de théâtre, alors que la nature luxuriante des paysages du Cachemire revêt tantôt les traits de vallons alpins, tantôt ceux d’une jungle équatoriale.
Peu à peu, se construit une véritable image de l’Inde qui servira à la conter, de retour en Europe. Entre élaboration d’un mythe visuel et développement d’une photographie naturaliste quasi documentaire, l’Inde de ces photographes se regarde dans un miroir aussi grandiose que déformant.

Sans titre, Bénarès. Manikarnika Ghat, Samuel Bourne (1834-1912) © MNAAG, Paris, Distr. RMN-Grand Palais / image musée Guimet



Par Anne Laurens
L’Inde, au miroir des photographes
Du 6 novembre 2019 au 17 février 2020
Musée Guimet, 6 Place d’Iéna, 75116 Paris