Sonrojo, 1998 © Ouka Leele / VU’.
« J’ai besoin de faire vibrer les gens avec les couleurs », scandait avec un large sourire Ouka Leele en juillet dernier lors de l’exposition des Rencontres d’Arles dédiée à la Movida. Photographe, peintre, poète, réalisatrice, l’artiste née en 1957 demeure l’une des figures de ce mouvement artistique des années 1980, créée à Madrid au lendemain de l’Espagne franquiste.
Ses photographies prises en noir et blanc puis colorisées à l’aquarelle nous embarquent dans un univers loufoque et poétique, aux couleurs criardes. Du kitsch doux et fantaisiste exposé à la Galerie Vu’ où se côtoient les tirages qu’on ne présente plus de la série Peluquieras et des œuvres plus récentes, mais toutes aussi captivantes.
Ouka Leele, Une explosion de saveurs
Les photos d’Ouka Leele ont un côté savoureux. La nourriture y est d’abord omniprésente. En témoigne cet autoportrait de l’artiste, posant devant le Metropolis de Madrid, large sourire, pommettes rougies, et énorme pièce de viande à la main (elle est végane). Les tonalités acidulées nous donnent ensuite l’agréable impression de lécher la vitrine d’une délicieuse pâtisserie. Plusieurs réalisations deviendront d’ailleurs des affiches publicitaires.
Magistralement mis en scène, l’univers de Ouka Leele est un monde en apesanteur, où volent assiettes, couverts et tulipes. Ici pas de retouches, seulement d’ingénieux procédés de fixation. On ne boude pas son plaisir de revoir la superbe série des Peluquerias (Coiffures).
Personnages anonymes ou célèbres, posent devant l’objectif, affublés d’un couvre-chef délirant : jambe de femme, journal, fer à repasser et même poulpe. Scènes farfelues aux teintes éclatantes.
Herida como la niebla por el sol, 1987 © Ouka Leele / VU’.
Des tirages oniriques
Si l’œuvre d’Ouka Leele est souvent associée à cet univers extravagant et humoristique, s’en dégage également une grande poésie. En témoigne le tirage Volaverunt, de 1988. Des couleurs plus tendres, bleutées, donnent vie à des ailes d’anges en plâtre, abandonnées dans la poussière d’une réserve.
L’exposition de Ouka Leele se termine par des nus d’une grande douceur, d’uniques tirages peints réalisés en 1998 et moins connus. L’atmosphère est paisible, moins hystérique. La palette d’Ouka Leele s’est assagie. Plus calme et nuancée, mais toujours en couleur. Formidable preuve de son éternelle liberté créatrice.
Joyas II, 1986 © Ouka Leele / VU’.
Madrid, 1984 © Ouka Leele / VU’.
Par Michaël Naulin
Ouka Leele
Du 24 janvier au 29 février 2020
Galerie Vu’ – 58 rue St-Lazare Hôtel Paul Delaroche • 75009 Paris