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Résidence 1+2, petit réceptacle d’une urgence écologique qui transpire 

Ancrée à Toulouse et en Occitanie, la Résidence 1+2 associe photographie et sciences. L’occasion de développer et d’interroger des enjeux contemporains sur le réchauffement climatique, l’environnement, l’identité ou les mobilités. Retour sur 8 ans de résidences.

« Quitte à créer un programme de résidence, autant créer un programme de résidence original et au croisement de deux univers », déclare Philippe Guionie, directeur de la Résidence 1+2. Depuis 2015, il a fait le pari de réunir deux disciplines pourtant, a priori, éloignées : la photographie et les sciences

Le récit débute à Toulouse, une ville qui porte à la fois une histoire de la photographie et une communauté scientifique importante, diverse et plurielle. Elle est le berceau de la fusée Ariane, du Concorde, d’Airbus, mais aussi celui du Château d’Eau la première galerie publique en France dédiée à la photographie d’auteur. C’est dans cet écosystème qu’a émergé l’idée de créer un dialogue et de renforcer la photographie au moyen de l’expertise scientifique.

Philippe Guionie est le cerveau derrière le projet. Photographe pendant plus de 20 ans, notamment à l’Agence MYOP, il a pu vivre l’expérience du travail en résidence : « On crée souvent un projet à l’aune de son propre parcours. Parfois, il me manquait d’avoir une expertise, une connaissance, un savoir-faire. »

©Almudena Romero, Lys, The Museum of Plant Art, Résidence 1+2, 2023
© Almudena Romero, Lys, The Museum of Plant Art, Résidence 1+2, 2023
© Marion Ellena, Playground, Résidence 1+2, 2023
© Marion Ellena, Playground, Résidence 1+2, 2023

La règle de trois

Comme l’indique son nom, la Résidence 1+2 se compose de trois photographes en résidence de création. Le trio, constitué d’un photographe de renom et de deux photographes plus émergents, cohabite pendant deux mois, de mars à avril. Ils ne se connaissent pas, ont des parcours et des esthétiques très différents. Philippe Guionie le souligne : le but est de « faire en sorte que des gens qui à priori n’avaient aucune chance de se rencontrer puissent se rencontrer le temps d’une résidence. »

Si les deux photographes en processus de création sont sélectionnés via un appel à candidatures, celui qui les accompagne est choisi par Philippe Guionie. « Quelqu’un qui, en général, n’est jamais intervenu à Toulouse pour essayer d’incarner un regard neuf. » Cette année, l’heureuse élue était Almudena Romero, une artiste espagnole qui a pu accompagner Téo Becher et Marion Elena.

© Marion Ellena, Cara verde, Résidence 1+2, 2023
© Marion Ellena, Cara verde, Résidence 1+2, 2023

« On n’est pas à l’école, dans un workshop ou dans une masterclass. On essaie de faire en sorte que tout le monde s’écoute », précise Philippe Guionie, prenant pour illustration l’article 1 de la résidence : « L’exigence dans la bonne humeur. » De cette joyeuse collaboration artistique naît une œuvre collective exposée à Toulouse, et ensuite rassemblée dans un livre. 

Les travaux des trois artistes de la résidence 2023 figurent ainsi dans un coffret composé de trois ouvrages publié par les Éditions Filigranes au sein de la collection Toulouse. Le  titre ? Re-connexions**. Une manière de célébrer les connexions de la photographie avec le vivant et d’impulser une vaste réflexion philosophique, écologique et anthropologique.

Cette urgence transparaît notamment dans les clichés fluorescents de pistils, pétales et corolles en tout genre d’Almudena Romero. Son travail, intitulé « The Museum of Plant Art », confère aux plantes la production de l’expérience esthétique : le végétal devient le véritable artiste. Dans la même veine, la série « Emmêlement et autres histoires de forêt » de Théo Becher nous invite à repenser notre regard sur l’environnement pour renouer avec le vivant.  Renouer également avec notre mémoire commune, la série de Marion Ellena, « Tu te souviens de la couleur de ma chambre ? », qui nous entraîne dans une exploration des mécanismes de régénération de la mémoire.

© Téo Becher_Résidence 1+2_Cône de sapin argenté, Muséum de Toulouse, 2023
© Téo Becher, Résidence 1+2, Cône de sapin argenté, Muséum de Toulouse, 2023
© Almudena Romero, Orphys, The Museum of Plant Art, Résidence 1+2, 2023
© Almudena Romero, Orphys, The Museum of Plant Art, Résidence 1+2, 2023
© Téo Becher, Résidence 1+2, Charbon de bois du XVIe siècle observé au microscope, Laboratoire GEODE, 2023
© Téo Becher, Résidence 1+2, Charbon de bois du XVIe siècle observé au microscope, Laboratoire GEODE, 2023

« Tout a été fait, tout reste à faire »

8 ans et une cinquantaine de résidents plus tard, l’univers de la science et de la photo dialoguent toujours. Lorsque l’on demande à Philippe Guionie s’il n’a pas peur d’épuiser le sujet, il cite Joseph Koudelka : « Tout a été fait, tout reste à faire. » Même lorsque les thématiques sont assez proches, l’aspect créatif reste très différent. 

Depuis quelques années, on voit d’ailleurs émerger une dynamique de fond liée aux questions environnementales, que la résidence permet d’accompagner en mettant en contact les artistes et les chercheurs. Une manière de réunir deux mondes. « J’ai constaté depuis deux ans que des scientifiques reviennent assister à nos vernissages et à notre colloque, même si ce n’est pas leur discipline », se réjouit Philippe Guionie. 

« Finalement, photographie et science, c’est pour raconter des histoires, pour faire du récit, pour essayer de faire société »

En effet, malgré les points communs entre les deux disciplines mises en valeur par la résidence, les mots n’ont parfois pas le même sens. Les images sont alors un moyen, pour l’artiste comme pour le scientifique, de redécouvrir sa propre discipline à travers un regard distancié. « Parce que finalement, photographie et science, c’est pour raconter des histoires, pour faire du récit, pour essayer de faire société. »

Bien plus que des connaissances, une iconographie et une sensibilisation nouvelles, la Résidence 1+2 essaie d’apporter une pierre à l’édifice d’un rapport au monde. Et Philippe Guionie d’ajouter : « une résilience, c’est un moyen, un outil, un prétexte pour aller plus loin. »

© Téo Becher_Résidence 1+2_Souche, Forêt de Grésigne, 2023
© Téo Becher, Résidence 1+2, Souche, Forêt de Grésigne, 2023
© Almudena Romero, Iris, The Museum of Plant Art, Résidence 1+2, 2023
© Almudena Romero, Iris, The Museum of Plant Art, Résidence 1+2, 2023

RE-CONNEXIONS, Coffret 2023, Éditions Filigranes. Almudena Romero, Téo Becher, Marion Ellena. Avec des textes de Fabien Ribery, Michel Poivert. 25,00€.

Pour davantage d’informations, sur le programme de résidences visitez le site web de la Résidence 1+2 . Le travail « Emmêlement et autres histoires de forêts » de Téo Becher est visible au centre culturel Bonnefoy jusqu’au 9 décembre 2023. Le travail « Tu te souviens de la couleur de ma chambre ?» de Marion Ellena est visible au centre culturel Bellegarde jusqu’au 9 décembre 2023. 

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