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Rosalind Fox Solomon, brut et humain

Dans le cadre de Paris Photo, MUUS Collection présente les Première Photographies de Rosalind Fox Solomon. Une exposition qui s’intéresse à l’émergence du style de la portraitiste américaine.

Bienvenue à la foire de Scottsboro, en Alabama. Au début des années 1970, l’événement mensuel rassemble fermiers et habitants des environs pendant plusieurs jours. On achète, on vend, on flâne parmi les stands. Certains dorment sur des matelas à l’arrière de leur véhicule, d’autres attendent le chaland qui s’intéressera à leur bric-à-brac. Et partout, des gens : fillettes à froufrous, femmes à bigoudis, hommes à bretelles…

Ce marché a été le terrain de jeu de Rosalind Fox Solomon durant plusieurs années. MUUS, une collection privée qui conserve les fonds de nombreux photographes, met l’Américaine née en 1930 à l’honneur pendant Paris Photo en exposant une soixantaine de tirages de cette série, sa toute première.

Une grande proximité

« Je n’interrogeais pas les gens de Scottsboro et eux ne m’interrogeaient pas non plus. Je me contentais de les regarder, de leur demander si je pouvais les prendre en photo », se souvient l’énergique Rosalind Fox Solomon. « Je suis sûre que certains ont pensé que j’étais folle avec mes appareils et mon gilet de photographe. J’avais la quarantaine, je n’étais pas une gamine. À la réflexion, je pense que ça a facilité mon travail, comme le fait que je sois une femme. Parce que les femmes sont perçues comme étant plus bienveillantes, même si je ne l’étais pas plus qu’un homme, du moins dans ma façon de photographier. »

Plongée, contre-plongée, Rosalind Fox Solomon ne cherche pas à sublimer ses sujets. Au glamour sirupeux, elle préfère une grande proximité. « Son langage photographique est bien conçu et reconnaissable », analyse Nathalie Herschdorfer, historienne de la photographie, directrice de Photo Élysée et commissaire de cette exposition. C’est elle qui a choisi de mettre l’accent sur ce travail réalisé entre 1972 et 1976, en plein âge d’or de la photographie de rue américaine.

Premiers lundis, 1976 Scottsboro, Alabama. © Solomon, Rosalind Fox

L’influence de Lisette Model

Contemporaine de Garry Winogrand ou Lee Friedlander, Rosalind Fox Solomon se distingue par un parcours atypique. « J’ai commencé la photo à 38 ans. Par accident, lors d’un voyage. » L’Américaine menait jusqu’alors une vie des plus rangées dans le Tennessee, auprès de son mari et de ses deux enfants. À peine dix ans plus tard, en 1978, certains de ses clichés intégraient les collections du MoMA.

Entretemps, elle bénéficie de l’accompagnement de Lisette Model, professeure de Diane Arbus, à laquelle une connaissance avait montré ses photos. « Je la voyais par intermittence, quand j’accompagnais mon mari à New York. Je lui apportais mon travail et elle en faisait la critique. Elle me disait de m’approcher par exemple. Sur mes planches-contacts, elle choisissait toujours les images les plus extrêmes. » Encouragée par son aînée, Rosalind Fox Solomon développe son style, affine son regard, cultive son intérêt pour l’humain à travers le portrait.

« Cette série sur Scottsboro est fascinante », détaille Nathalie Herschdorfer. « Rosalind Fox Solomon se donne elle-même pour tâche d’aller faire des images dans ce lieu. Elle ne prépare ni livre, ni exposition, elle n’est pas en commande. Elle travaille pour elle-même. » C’est dans le fonds de l’artiste que la curatrice a saisi l’étendue de ce premier projet qui comprend des centaines de clichés.

« C’est une question qui m’intéresse en tant qu’historienne de la photographie : comment se développe ce style fort ? Est-ce quelque chose qui se met en place peu à peu ou est-ce présent dès le début ? » Les tirages qu’elle a puisé dans les archives du projet (aucun n’a été réalisé pour l’exposition) apportent une réponse : « L’approche directe, le regard qu’elle pose sur ses semblables, le choix de personnes qui ont des expressions ou des manières de se tenir particulières.Tout est déjà là ! »

Premiers lundis, 1975 Scottsboro, Alabama. © Solomon, Rosalind Fox
Premiers lundis, 1975 Scottsboro, Alabama. © Solomon, Rosalind Fox

Exposition : “Premières Photographies” de Rosalind Fox Solomon, sur le stand de MUUS Collection à Paris Photo, Grand Palais éphémère, du 10 au 13 novembre.

Pour aller plus loin : la galerie Julian Sander présente sur son stand de Paris Photo un second solo show de Rosalind Fox Solomon comprenant des travaux de l’ensemble de sa carrière, par exemple de Portraits in The Time of AIDS (1987-1988).

Premiers lundis, 1972-1973 Scottsboro, Alabama. © Solomon, Rosalind Fox

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