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Sœur Corita Kent, entre pop art et protestation

Un livre récemment paru explore les archives photographiques de Corita Kent, une artiste novatrice dans le Los Angeles des années 1960.

Peut-être est-ce son enfance à Hollywood dans les années 1920 qui a inspiré la jeune Frances Elizabeth Kent. Sous le nom de Corita Kent, cette ancienne bonne soeur catholique a bouleversé l’Église dans les années 1960, en utilisant l’art, la photographie, la performance et le design.

En 1936, après avoir terminé ses études secondaires elle rejoint l’Immaculate Heart of Mary (IHM), la plus grande communauté religieuse de Los Angeles, Frances Elizabeth Kent prend alors le nom de Sœur Corita. Elle commence à y enseigner l’art tout en poursuivant sa maîtrise en histoire de l’art.

© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent

Au début des années 1950, Kent s’intéresse ensuite à la sérigraphie et se tourne naturellement vers le travail d’Andy Warhol et du mouvement émergent du pop art. Elle réalise en parallèle des milliers de diapositives couleur 35 mm documentant des scènes de la vie quotidienne avec un sens de l’humour qui la caractérise.

Le livre intitulé Corita Kent: Ordinary Things Will Be Signs for Us amène une exploration captivante de ses archives, cet ouvrage nous transporte au cœur du Los Angeles des années 1950-1960, révélant des images pleines de vie qui évoquent une projection de diapositives comme on en faisait autrefois.

Au cœur de l’avant-garde de Los Angeles

Les chroniques de la vie quotidienne réalisées par Corita Kent ont la grandeur cinématographique d’un film de Billy Wilder. L’une de ses images montre une foule de fidèles en vêtements pastel et chapeaux du dimanche, rassemblés pour célébrer Marie. L’image est ponctuée d’inscriptions, avec des jeux de caractères et des couleurs vives qui taquinent le regard. Des éléments à la fois étranges et familiers, tout comme les boîtes Brillo d’Andy Warhol, que Kent a photographiées.

« Je suis sûre que si j’avais été une gentille petite femme au foyer, je n’aurais jamais rencontré toutes ces idées »

La photographie de Kent est un mélange singulier de pop art, de protestation et de dévotion. Sa pratique est profondément en accord avec les enseignements du Christ comme force de justice et d’amour. S’inspirant du concile Vatican II du début des années 1960, conçu pour moderniser l’Église, elle transforme l’Immaculate Heart College en un bastion de l’avant-garde de Los Angeles. Elle y organise des conférences dédiées aux étudiants, avec des cinéastes tels qu’Alfred Hitchcock et Josef von Sternberg, des designers comme Charles et Ray Eames, ou encore avec le compositeur John Cage.

© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent

« Je pense que fréquenter des gens qui avaient une conscience sociale m’a beaucoup aidée », dit-elle avant d’ajouter. « Je suis sûre que si j’avais été une gentille petite femme au foyer, je n’aurais jamais rencontré toutes ces idées. Et bien sûr, une fois qu’elles sont entrées en vous, vous commencez à les développer. »

En tant qu’éducatrice, Kent comprend l’importance de donner du pouvoir à une nouvelle génération à une époque où le pays est déchiré par la politique et la guerre. « Nous avons réalisé, comme tout le monde, que le sort de la communauté était lié à celui de l’individu. Et que si l’individu se développe au maximum de ses capacités, cela ne peut être que bénéfique pour les autres. »

© Corita Kent
© Corita Kent

Foi, Espérance et Amour

Sœur Corita Kent devient le symbole d’une nouvelle ère du catholicisme américain, au grand mécontentement du cardinal James Francis McIntyre de Los Angeles, qui juge ses accomplissements sacrilèges. Avec le soutien du Vatican, McIntyre lance une campagne implacable de répression, écrasant tous les efforts de modernisation et prononçant l’exclusion de plus de 350 sœurs sur les 400 que comptait l’ordre.

En 1968, Kent est au bord de l’épuisement et prend un congé sabbatique, décidant de ne jamais revenir. En novembre de la même année, elle est relevée de ses vœux et entame un nouveau chapitre de son parcours, transmettant un puissant message de foi, d’espérance et d’amour.

© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent

Comme le révèle Ordinary Things Will Be Signs for Us, le don de Corita Kent réside dans sa capacité à capter la beauté et la grâce qui nous entourent si nous choisissons de regarder. Elles existent dans des moments de connexion et de communion, que ce soit avec les autres, la nature, ou à travers des rencontres indicibles avec quelque chose d’encore plus grand.

« Je pense que je suis toujours en train de collecter des instants, d’une manière ou d’une autre – en ouvrant grand les yeux dans la rue, en feuilletant un magazine, en regardant un film, en visitant un musée ou en faisant des courses dans une une épicerie », écrit-elle en 1984. « Certaines des choses que je récolte sont tangibles et s’accumulent en piles, et quand vient le moment d’utiliser les images que j’ai conservées, je fouille comme un archéologue dans ces piles et dans mes listes, et parfois je trouve ce que je veux, parfois non. »

© Corita Kent
© Corita Kent
© Corita Kent
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Corita Kent: Ordinary Things Will Be Signs for Us, publié sous la direction de Julie Ault, Jason Fulford et Jordan Weitzman. Texte Olivian Cha. J&L Books/Magic Hour, $45.

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