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Steve Schapiro, chroniqueur de l'Amérique du 20e siècle, est mort

Steve Schapiro, chroniqueur de l’Amérique du 20e siècle, est mort

Steve Schapiro, dont les photographies dépeignent la vie américaine du 20e siècle, est mort paisiblement dans sa maison de Chicago le samedi 15 janvier 2022, des suites d’un cancer du pancréas. Il avait 87 ans.
Andy Warhol, Nico and the Velvet Underground, Los Angeles, California, 1965 © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography

Steve Schapiro tombe amoureux de la photographie pour la première fois à l’âge de 9 ans, en colonie de vacances. Ce New-Yorkais d’origine va ensuite s’inspirer d’Henri Cartier-Bresson et arpenter les rues de sa ville, entraînant son œil à saisir l’instant décisif. Le premier mentor de Schapiro, le photojournaliste W. Eugene Smith, enseigne alors au jeune photographe l’importance d’avoir une vision du monde et une perspective personnelle dans son travail.

Utilisant la photographie comme un facteur de changement social, Schapiro va créer certaines des images les plus significatives de notre époque, en commande pour des publications telles que Life, Look, Time, Rolling Stone et Vanity Fair. Il couvre alors un large éventail de sujets, dont le mouvement des droits civiques américains, la campagne présidentielle de Robert F. Kennedy, la condition des travailleurs migrants de l’Arkansas, les hippies de Haight-Asbury et les célébrations de Pâques à Harlem.

Cassius Clay (Muhammad Ali) biking with neighborhood kids, Lexington, Kentucky, 1963 © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography
Amateur Hour, Apollo Theater, Harlem 1961 © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography

« 40% du travail consiste à soigner le contact avec son sujet, et ensuite la meilleure chose à faire est d’être très décontracté et très calme », déclare-t-il au journaliste Marcus Woeller au sujet de son style. « Les meilleures opportunités se présentent lorsque vous attendez une situation pleine d’émotions. Un moment révélateur qui vous donne une idée de qui est la personne que vous photographiez. Et puis, il est toujours bon de ne pas se montrer grandiloquent et de ne pas commencer à parler tout de suite. Il ne s’agit pas de vous ! Il s’agit plutôt de la recherche d’une image iconique qui révèle de façon honnête la personne et la situation. »

Personnalités américaines

Après la fin de l’âge d’or des magazines d’images dans les années 1970, Steve Schapiro commence à travailler avec les studios de cinéma d’Hollywood pour créer certaines des campagnes promotionnelles les plus mémorables des années 1970 et 1980 pour des films à succès tels que Le Parrain, Midnight Cowboy, Taxi Driver, The Way We Were et Risky Business.

Schapiro va également mener une carrière florissante de photographe musical, réalisant dans les années 1960 des couvertures d’albums pour les icônes du jazz que sont Cannonball Adderley, Wes Montgomery, Bill Evans et Charlie Byrd, avant de collaborer avec des stars de la pop comme Barbra Streisand et David Bowie dans les années 1970. L’œuvre de Schapiro est ainsi si omniprésente qu’on la retrouve partout, de la cassette VHS du workout de Jane Fonda en 1981 à l’album des plus grands succès de Dolly Parton. Il va aussi photographier Truman Capote, Andy Warhol, Muhammad Ali, Allen Ginsberg et Mae West, des personnalités qui ont toutes révolutionné l’esprit politique, artistique et culturel de leur époque.

The Supremes, New York, 1965 © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography

« J’ai toujours été intéressé par la politique et la façon dont le pays était dirigé. J’ai également compris très tôt que mes opinions étaient minoritaires », déclare Schapiro à Sixty Inches from Center. « Vous sentez qu’il y avait un large spectre d’opinions – ce qui est toujours le cas – et plus vous comprenez que les gens développent des idées préconçues à un âge précoce, ils ont tendance à les conserver tout au long de leur vie, pour la plupart. »

Les héros de Schapiro

Comprenant que « tout art est un point de vue », Steve Schapiro va se servir des « énormes pouvoirs du photographe » et a mettre les siens à profit en travaillant aux côtés de Martin Luther King Jr. au plus fort du mouvement des droits civiques américains. Entre 1963 et 1968, il photographie les personnalités du mouvement, tant les dirigeants que les sympathisants, et qui donneront leur vie à cette cause. Schapiro participe à des marches historiques, photographie les Freedom Riders et est témoin des attentats de l’église baptiste de la 16e rue, qui coûtera la vie à quatre petites filles en 1963.

Martin Luther King Marching for Voting Rights with John Lewis, Reverend Jesse Douglas, James Forman and Ralph Abernathy, Selma, 1965 © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography
On the Road, Selma March, 1965 © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography

Cette année-là, Schapiro s’immerge profondément dans le mouvement des droits civiques après avoir lu les essais fondamentaux de James Baldwin sur la race, Down at the Cross – Letters from a Region of My Mind et My Dungeon Shook – Letter to My Nephew on the One Hundredth Anniversary of Emancipation dans The New Yorker. Inspiré, Schapiro propose à Life une histoire dans laquelle il voyagerait aux côtés de Baldwin, de New York au Mississippi, pour documenter le mouvement.

À propos de Baldwin, Schapiro déclare: « C’est un intellectuel, un homme brillant et un leader noir qui ne semble jamais oublier l’importance des relations entre les êtres humains. Il a une faim d’amour et croyait en son pouvoir. »

I Am A Man, Memphis, Tennessee, 1968
© Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography
James Baldwin, Colored Only Entrance, New Orleans, 1963
© Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography
Nico in Times Square, New York, 1964
© Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography

En 2017, Taschen associe les photographies de Schapiro à l’œuvre séminale de James Baldwin pour une édition limitée de The Fire Next Time, qui comprend une nouvelle introduction du leader des droits civiques et membre du Congrès américain John Lewis, que Schapiro a rencontré et photographié dans les années 1960 sur les lignes de front. M. Lewis établit des parallèles entre l’époque et aujourd’hui, comme en témoigne l’engagement continu de M. Schapiro pour la cause, lui qui photographie le mouvement Black Lives Matter à Chicago l’année même de la publication du livre.

Non content de se reposer sur ses succès passés, Steve Schapiro continuera à travailler jusqu’à ses 80 ans, déclarant à Marcus Woeller : « Même si j’ai le sentiment d’avoir pris beaucoup de bonnes photos, je n’ai pas cessé de croire que je peux toujours faire mieux. »

Par Miss Rosen

Miss Rosen est journaliste. Basée à New York, elle écrit à propos de l’art, la photographie et la culture. Son travail a été publié dans des livres et des magazines, notamment TimeVogueArtsyApertureDazed et Vice.

Plus d’informations sur Steve Schapiro sur son site web.

CORE “Stall-In” during the World’s Fair, New York, 1964 © Steve Schapiro, courtesy Monroe Gallery of Photography

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