
1930. Pour les passagers de L’Orient-Express, les repas sont servis à bord d’élégantes voitures-restaurants. Là, tout concourt à créer ce cachet luxueux qui fait la renommée du train et de la société qui l’a créé, la Compagnie Internationale des Wagons Lits (CIWL). Gastronomie raffinée, arts de la table, vaisselle et argenterie spécialement dessinées par le bureau d’étude de la compagnie. Et surtout, l’affable personnel de bord, porte-étendard de la CIWL, responsable du confort des voyageurs jusque dans leurs douillettes voitures-lits.

Certaines des photos d’archives que l’on retrouve dans le livre Orient Express & Co, publié aux éditions Textuel, confortent l’image de grand raffinement que l’on se fait aujourd’hui du train célèbre : ce sont quelquefois des photographies publicitaires qui datent des années 1950. Ainsi retrouve-t-on au fil des pages une Sophia Loren endormie dans un wagon, photographiée pour Paris Match. Grandes stars et mannequins sont mises à contribution par la CIWL pour entretenir la légende de son train phare.

Mais c’est une autre histoire que veulent raconter Eva Gravayat et Arthur Mettetal, les co-auteurs de l’ouvrage : il s’agit de décortiquer le mythe pour remettre l’Orient-Express dans son contexte historique, industriel et économique. Si le train éponyme du roman d’Agatha Christie continue aujourd’hui d’arpenter notre imaginaire collectif, s’il jouit d’un charme intemporel, il n’en demeure pas moins fondamentalement ancré dans son époque.
À la fin du XIXème siècle, l’Orient-Express est le symbole des grands progrès techniques de l’époque. Il cristallise des enjeux économiques et géopolitiques en traversant sans encombre des frontières d’états et d’Empires. Surtout, il nourrit la vague orientaliste avec la promesse de ce fabuleux terminus : Constantinople. D’autres lignes viendront, plus tard, desservir des destinations plus lointaines, mais ne rivaliseront jamais en renommée avec le premier train international de luxe de la Compagnie.

Toutes ces réalités-là sont révélées par les photos conservées dans un fonds documentaire constitué par les salariés de la CIWL au cours de 130 ans. Ces archives précieuses ont survécu aux diverses restructurations de la compagnie pour nous raconter une histoire plurielle, sociale. Celle notamment des ouvriers qui, dans l’ombre des blanchisseries ou des ateliers, travaillent pour maintenir le train sur ses rails. On découvre les coulisses d’un mythe.
L’Orient-Express est une icône littéraire et cinématographique, bien-sûr, mais la photographie est le médium qui permet le mieux d’en comprendre l’histoire. L’essor de la photographie se confond avec celui du chemin de fer : les deux sont le symbole du progrès d’une industrie triomphante. Photos officielles des jours d’inaugurations, portraits d’entreprise, jours d’insurrection immortalisés par les grévistes ou mises en scène publicitaires… c’est, au fil des pages, une traversée des différentes époques qu’a connues l’Orient-Express mais aussi une réflexion sur les évolutions du rôle de la photo au cours du siècle.

Par Joy Majdalani
Joy Majdalani est une rédactrice et créatrice de contenu libanaise basée à Paris. Elle écrit sur la technologie, l’art, la culture et les questions sociales.

Orient Express & Co, Archives photographiques d’un train mythique
d’Eva Gravayat et Arthur Mettetal
Editions textuel
39 €
Livre disponible ici.