
Lorsque mes parents ont acheté leur première maison à Rydebäck, à la fin des années 1960, le prix seul les a décidés. Elle ressemblait à tant d’autres, alignées comme des boîtes dans le paysage. Quand nous avons emménagé, une nouvelle rangée de maisons venait d’être construite devant chez nous.
J’avais sept ans, et c’était comme un rêve, pour moi. L’aventure était à tous les coins de rue. Sur les chantiers de construction, on trouvait en abondance de quoi fabriquer des tacots et des cabanes, et il ne fallait que 5mn à vélo pour aller à la plage. C’était la belle vie. Cette sécurité, ce débordement d’énergie, je me disais que c’était ce que mes parents avaient espéré.

Ce qui me frappe, lorsque je revois ces premières maisons qui ont été construites à Rydebäck, c’est que les propriétaires qui se sont succédé ont tenté de leur apporter une touche personnelle – tout au moins, en ce qui concerne les façades. Ici, un toit s’est changé en une sorte de pagode, là, de larges baies vitrées ont été ouvertes dans les murs. On a repeint et reconstruit les maisons, couvert les patios par des toits en verre, et des piscines apparaissent un peu partout dans le paysage. On voit que les goûts et les styles ont changé, en cinquante ans. Des maisons sont encore construites à l’autre bout de Rydebäck, mais c’est l’individualité qui prévaut, selon une conception moderne de l’architecture. Et les budgets sont bien plus élevés que dans les années 1960.


Partout, à Rydebäck, on veut une vie de famille parfaite, comme le voulaient mes parents il y a cinquante ans. On recherche l’harmonie, la prospérité et la sécurité. Ceux qui achètent une maison aujourd’hui sont souvent originaires d’ici, et tentent de recréer, pour leur famille, l’environnement dans lequel ils ont grandi.


Mais il me semble, parfois, qu’un endroit tel que Rydebäck s’est coupé du reste du monde. Les conflits internationaux, les crises, l’afflux de réfugiés ne concernent personne, ici. Les choses, les gens semblent sortir du même moule, et rien ne doit venir déranger l’harmonie. Les pelouses sont bien tondues, les enfants vont à l’école, et parfois, l’on invite des voisins à dîner. Le samedi, on joue au football, on fait les courses pour la semaine et on lave sa voiture. Les guerres, les catastrophes mondiales sont bien loin.

Partout dans le monde, on voit des clochards assis à côté des épiceries. Certains, évidemment, s’en préoccupent et agissent. Ils s’impliquent dans la politique, les ONG, s’intéressent à ce qui se passe aux alentours. Ce n’est pas le cas à Rydebäck. On vit ici, et le monde est ailleurs.

Par Per-Olof Stolz
Per-Olof Stolz est photoghe documentaire. Il vit en Suède, et travaille en freelance depuis plus de trente ans.
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