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Les parenthèses enchantées de Jean-Pierre Laffont

Les parenthèses enchantées de Jean-Pierre Laffont

À côté des événements de l’actualité brûlante qu’il couvrait, le photographe s’offrait parfois un répit en faisant le portrait de stars aux États-Unis. Il publie un livre aux Éditions de la Martinière qui réunit les clichés de ces sympathiques séances.

C’était un «temps béni » comme le dit l’épouse du photographe, Eliane Laffont. Un temps où les photographes n’avaient qu’à décrocher le téléphone pour faire une séance de photographies avec une célébrité. C’était les stars elles-mêmes qui appelaient Jean-Pierre Laffont, sachant qu’une séance avec lui leur ouvrirait des pages chez les magazines Paris Match ou Jours de France. À l’occasion d’un voyage aux États-Unis, Brigitte Bardot, Yves Montand ou Charles Aznavour profitait de la présence de Jean-Pierre à New York pour une après-midi de promenade au cours de laquelle ils allaient s’abandonner à son appareil photo. « En toute confiance, c’est ça qui était extraordinaire » témoigne le photographe qui raconte que les stars ne demandaient pas de voir les photographies avant de les publier. Elles se livraient pleinement, sans fard et sans filtres, ainsi que le montre ce cliché où l’on voit Yves Montand lire le journal sur un banc au beau milieu de New York à côté de clochards et d’un couple qui s’embrasse. Une image qu’aime regarder Jean-Pierre Laffont. « En France, à cette époque, Yves Montand était trop connu pour passer inaperçu dans la ville. Mais là, à New York, il était libre ! ». 

Yves Montand © Jean-Pierre Laffont

Empire State Building 

New York et les États-Unis étaient le territoire du photographe. En plus de couvrir les événements de l’actualité comme la guerre du Vietnam ou le mouvement des droits civiques, Jean-Pierre Laffont trouvait toujours une parenthèse pour photographier une célébrité et passer la journée avec elle à lui faire découvrir les coulisses des lieux. En 1976, par exemple, il couvre un terrible tremblement de terre au Guatemala. Le lendemain, il rentre à New York pour y retrouver le chanteur Dave et faire des séances de pose dans les rues de la ville. Une dichotomie qui n’était pas indispensable selon Jean-Pierre Laffont, mais qui lui donnait l’occasion d’une respiration bienvenue. Surtout, lors des séances de photographie avec des célébrités, il avait la possibilité de renouveler son style. Parce qu’il les photographiait souvent au même endroit – presque toujours devant l’Empire State Building, une page malicieuse du livre le montre – il était contraint de modifier les prises de vue et d’inventer des cadres nouveaux, des compositions inattendues. Il avait, en quelque sorte, une liberté qu’il ne pouvait avoir lors des reportages sur des sujets d’actualité plus durs, plus noirs et plus dangereux. 

André Malraux devant un tableau de Léonard de Vinci à Washington © Jean-Pierre Laffont

Léonard de Vinci 

Aussi, et c’est ce qui fait sans doute la force de ces photographies, Jean-Pierre Laffont pouvait avoir des moments intimes et privilégiés avec les célébrités. Il se souvient d’un voyage d’André Malraux venu aux États-Unis pour parler de Mao Zedong au président Nixon. Le photographe l’a suivi et il s’est rendu avec lui dans un musée de Washington où était exposé le seul tableau de Léonard de Vinci présent aux États-Unis. Devant lui, Malraux lui a donné une leçon d’histoire. « C’était un puits incroyable, il savait tout ! » s’exclame Jean-Pierre et d’ajouter : « c’est vraiment un moment qui restera gravé en moi. Comment Malraux avait une connaissance extraordinaire des choses et même plus que les conservateurs du musée. Il savait tout sur de nombreux tableaux ! ». Une complicité, une intimité avec les personnes photographiées qui se perdent aujourd’hui tandis que les célébrités comptent désormais sur des agents pour filtrer et orienter les photographes. Une situation que déplorent les deux époux Laffont qui se demandent si les iconiques photographies de stars hollywoodiennes des années 1930 telles que celles de Marlene Dietrich seraient encore possibles aujourd’hui, dans un monde où l’image de la célébrité est beaucoup plus contrôlée. 

Alfred Hitchcock © Jean-Pierre Laffont
Gilbert Bécaud © Jean-Pierre Laffont
Charles Aznavour © Jean-Pierre Laffont
Brigitte Bardot © Santi Visalli

Par Jean-Baptiste Gauvin

Nos stars en Amérique, Cartes postales de Jean-Pierre Laffont

Un livre publié par les Éditions de La Martinière

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