
Impressionné par la capitale à mon arrivée, le 13ème arrondissement est mon premier point de chute, loin des édifices haussmanniens respirant le chic et des quais de Seine de la ville musée. Paris 13 vibre alors, découpé par ses grands immeubles d’après-guerre, ses grands blocs minéraux qui forment un horizon géométrique, cranté.
Quelque part, je suis rassuré de découvrir Paris depuis cet arrondissement à l’esthétique si particulière. J’y retrouve une simplicité architecturale moins dépaysante, plus accessible. Ces formes fréquentes, que l’on voit en périphérie des villes que je connais, dans les quartiers reconstruits il y a cinquante ans, souvent décriés, rarement encensés. Les blocs y sont juste plus grands ici et les tours plus hautes. Une ville moderne dans la ville.


Les trajectoires de chacun s’intersectent autour de ces gigantesques sculptures grises, à la fois personnages principaux et décors d’arrière-plan, imposant toujours au moins une verticale aux horizontales. La lumière aiguise les blocs, projette leur volume au sol et trace d’immenses rectangles d’ombre et de lumière.
Je déambule le soir entre ces tours qui respirent l’anonymat, la sensation d’être un total inconnu dans cette ville que je ne connais pas y est presque réconfortante. Pas de regards et personne à croiser par hasard, simplement un immense terrain de jeu à explorer. Cet environnement semble bizarrement refléter mon état d’esprit à ce moment-là. Venant de terminer mes études, c’est un moment étrange que je vis, la fin d’un cycle et le début d’un autre, le passage de la théorie à la pratique qui n’a rien de spontané pour moi.


Presque deux ans après, j’ai cherché à retrouver cette ambiance et à la figer sur pellicule. Plutôt que de viser une vérité documentaire, j’ai voulu retranscrire ce moment de transition personnelle et de découverte lié à ce quartier lors d’une sortie dominicale.
Tout apparait de manière fluide. Les habitants du 13 semblent se trouver au bon endroit au bon moment, profitant des premiers vrais rayons de soleil de l’été. À peine arrivé à Olympiades, une femme m’accoste et me demande une photo d’elle et de ses amies, une heure plus tard c’est un jeune qui m’interpelle pendant que je prépare le cliché suivant : « Heureusement que j’ai mis mon survet’ Lacoste aujourd’hui hein ? ».


Apparaissent quelques scènes, quelques personnes, au pied de ces tours, dessinées par le soleil, plusieurs tableaux de ce paysage urbain, nu et minéral, et des moments d’abandon, entre spleen solitaire et plénitude. L’ultra urbain se dévoile en ce dimanche d’été. Cet amer béton fait évoluer ses personnages sur sa carte sans échelle, dans ce grand work-in-progress à ciel ouvert, avec ses airs de zone industrielle à forte densité.
La série émerge d’elle-même, simple, facile, fluide, comme une petite capsule d’une ambiance et d’un moment : c’est « Paris Trece ».

Par Paul Rousselet
Paul Rousselet est un photographe et architecte qui vit à Paris.