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Sur le ring de la paix

Dans un bidonville de Goma, dans l'est du Congo, un ancien enfant-soldat enseigne la boxe à des enfants, pour les éloigner de l'attrait des groupes armés.

Chaque matin à 6 heures, Kibomango attend ses élèves devant le stade Volcanes, avec « des gants usés, des chaussures de boxe fabriquées en Chine et un blouson de moto sur le dos ». Son œil gauche a été soufflé par un éclat d'obus lorsqu'il était un Kadogo, un enfant soldat. Connu surtout pour avoir été le champion de boxe de la RDC en 2008, son but dans la vie est devenu de créer une autre voie pour les enfants qui pourraient facilement avoir la même destinée que lui.

L'entraînement de Kibomango est ouvert à tous, les aspirants boxeurs doivent juste être à l'heure. Les retardataires font cinq tours de terrain, et ils le font sans broncher.

« Ceux qui ne s'entraînent pas et se contentent de regarder profitent aussi de mes conseils, ils écoutent, et peut-être que demain ils viendront transpirer avec nous. »

A l'âge de 14 ans, Kibomango s'est engagé volontairement dans la rébellion de Laurent Désiré Kabila, leader révolutionnaire et homme politique congolais. Pendant 11 ans, il est passé d'un groupe rebelle à un autre, jusqu'à ce qu'un éclat d'obus lui arrache l'œil gauche.

« Venir à l’entraînement donne un peu de confiance aux enfants, même s'ils repartent avec le ventre aussi vide qu'au début. Ils sont souvent orphelins, et les recruteurs des groupes armés savent les attirer avec des promesses. »

Eritier Shabanyere, 20 ans, avait 16 ans lorsqu'il a été recruté dans la rue pour rejoindre un groupe armé. « J'ai vu des enfants se faire assassiner parce qu'ils demandaient plus de nourriture », raconte-t-il. Après 3 mois, il a réussi à s'échapper et a commencé à enseigner la boxe avec Kibomango.

« Les recruteurs vous promettent de l'argent, des femmes et une reconnaissance éternelle. Mais la seule chose que vous trouvez dans la forêt, c'est la mort, la faim et l'enfer. Je le sais, je l'ai vécu », confie-t-il au photographe William Dupuy, qui a suivi son travail d’entraîneur de boxe. « Notre pays abandonne ses enfants, pas moi. Moi aussi, je viens de la rue, mais tout le monde me connaît comme le champion des champions. Pour les enfants, ça leur donne l'espoir d'être autre chose qu'un ‘shégué’, un enfant des rues. »

Un sac, deux paires de gants et deux casques bien usés sont les seuls biens du club.

Les entraînements sont aussi l'occasion de parler aux enfants. « Dans un groupe armé, on te demande de boire le sang de tes victimes. Est-ce que vous voulez faire ça ? Vivre dans la jungle ? Être exposé aux attaques des animaux sauvages ? Ne prenez jamais les armes. »

Kibomango enseigne la boxe aux jeunes femmes. En dehors de quelques bricoles en mécanique, Kibomango n'a aucun revenu.

« Une fois dans la forêt, les enfants sont drogués et armés pour grossir les rangs d'une rébellion qui ne sert que les intérêts des chefs de guerre. »

Après un incendie dans le quartier de Kibomango, la municipalité en a profité pour raser toutes les maisons construites illégalement. « Quand ils sont venus me chasser de ma maison, j'ai dit que je tuerais celui qui essaierait de le faire. Ils me connaissent, ils savent que c'est vrai. Mais ils reviendront, et ce sont peut-être eux qui finiront par me tuer. »

Suivez le travail de William Dupuy sur son site web.

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