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Sous le soleil de Massao Mascaro

Sous le soleil de Massao Mascaro

Au fil de sept voyages (Ceuta, Naples, Athènes, Palerme, Istanbul, Tunis et Lampedusa) et de nombreuses rencontres, Massao Mascaro dresse avec « Sub Sole » un portrait en noir et blanc du pourtour méditerranéen.
Massao Mascaro, série « Sub Sole », 2021 © Massao Mascaro, avec l’aimable autorisation de l’artiste

La série « Sub Sole » [Sous le soleil] du photographe Massao Mascaro, présentée aux Rencontres d’Arles 2021 dans le cadre du prix découverte Louis Roederer, s’inscrit dans sa longue exploration du sud de l’Europe. Entre 2010 et 2015, le photographe se rend en Calabre, au sud-ouest de l’Italie, terre de ses grands-parents et lieu de naissance de sa mère, « une région de paysans et de mafieux », dit-il, mais c’est le côté paysan qui m’intéressait ». Alors qu’il produit sa série « Ramo », « branche » en italien, « les migrants, ou plutôt les demandeurs d’asile pour employer d’autres mots, arrivent en nombre en Calabre. » À l’inverse d’une grande partie de l’Italie, ils sont accueillis à bras ouverts dans cette région. Cette terre d’exilés devient alors terre d’accueil. « Je voyais mes oncles, des paysans, qui faisaient travailler des migrants. La misère employait la misère. »

S’ensuit la série « Jardin », prise à Madrid, avec laquelle il remporte le prix Bozar Nikon Monography Series Award en 2016. Là, il s’intéresse à cet espace mythologique qu’est le jardin, et c’est cette exploration des mythes qu’il poursuit dans le projet « Sub Sole » mené de 2017 à 2020 dans sept villes (Ceuta, Naples, Athènes, Palerme, Istanbul, Tunis et Lampedusa) du pourtour méditerranéen. Il suit alors l’itinéraire du voyage d’Ulysse. « Je cherchais une boussole et ce parcours m’a semblé évident même si mes images ne s’inspirent pas du récit. Au contraire même, je ne voulais pas être dans l’illustration du texte. »

Massao Mascaro, série « Sub Sole », 2021 © Massao Mascaro, avec l’aimable autorisation de l’artiste
Massao Mascaro, série « Sub Sole », 2021 © Massao Mascaro, avec l’aimable autorisation de l’artiste

La littérature l’accompagne dans ses voyages. Il cite Jorge Luis Borges, Paul Valéry mais aussi Eugenio Montale, un poète italien du XXe siècle dont Os de seiche est le plus connu des recueils. Photographies de natures mortes et portraits de jeunes gens cohabitent dans ce que Mascaro considère comme des « résonances évidentes ». Tourner le dos à la mer et au soleil pourrait être le leitmotiv qui le guide dans ces prises de vue, même si ses images sont baignées de lumière.

Mascaro poursuit sa pratique habituelle de la photographie en travaillant en argentique, ce qui lui permet « d’être autonome », précise-t-il. « J’aime développer mes images. Mes tirages sont ensuite réalisés main dans la main avec un tireur bruxellois. C’est un outil que j’aime pratiquer. Et la question du noir et blanc, pour moi, c’est une question de couleurs mais avec un autre nuancier, un nuancier de gris. »

Massao Mascaro, série « Sub Sole », 2021 © Massao Mascaro, avec l’aimable autorisation de l’artiste
Massao Mascaro, série « Sub Sole », 2021 © Massao Mascaro, avec l’aimable autorisation de l’artiste

Dix-huit images sont présentées dans l’exposition à Arles, le reste de sa série composée de plus de cent photographies sera exposée entièrement à la fondation A Stitching, à Bruxelles, du 25 septembre au 19 décembre 2021. Un livre doit également voir le jour aux éditions Chose Commune en septembre. Quand on demande au photographe pourquoi ce titre, « Sub Sole » ? Il répond qu’il s’est inspiré de l’expression « Nihil novi sub sole » tirée de la Vulgate, la Bible latine. Le choix de la langue, le latin, s’imposait aussi. Langue morte mais aux racines de tant d’autres langues méditerranéennes. L’écrivain italien Umberto Eco considérait la traduction comme la langue de l’Europe. À regarder avec attention le travail de Mascaro, on pourrait imaginer que la photographie devienne une langue méditerranéenne.

Par Sabyl Ghoussoub

Né à Paris en 1988 dans une famille libanaise, Sabyl Ghoussoub est un écrivain, chroniqueur et commissaire d’exposition. Son deuxième roman Beyrouth entre parenthèses est sorti aux éditions de l’Antilope en août 2020.

« Sub Sole », Massao Mascaro. Commissaire d’exposition : Sonia Voss. Église des Frères Prêcheurs (dans le cadre des rencontres d’Arles 2021), du 4 juillet – 29 août 2021. Livre disponible ici.

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