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Au Festival du Regard, l’appel de la nuit

« Bonjour la nuit ! », le thème de la 7e édition du festival du Regard de Cergy-Pontoise fait la part belle à la réalité et au rêve. Morceaux choisis parmi la quinzaine d’expositions présentant une vingtaine de photographes.

Depuis 7 ans, le Festival du Regard affirme son identité au fil des éditions tout en relevant à chaque fois le défi de convier le spectateur dans un lieu atypique. Après les anciennes Poste et tour EDF, cette année l’aile d’un centre commercial vouée à la destruction.

« Un véritable tour de force que de transformer une vingtaine de boutiques en espace d’exposition en quelques semaines, soit environ 2000 m2 », explique Sylvie Hugues, directrice artistique avec Mathilde Terraube. L’identité du festival du Regard, c’est aussi de travailler étroitement avec de nombreuses galeries afin de présenter des tirages de grande qualité ainsi que de faire une place aux historiques et aux classiques. 

Cette année ne déroge pas à la règle. Quelques exemples : des originaux du Paris de nuit de Brassaï et de l’Atlas photographique de la lune de Loewy&Puiseux (avec la galerie Françoise Paviot) ; les illuminations de Paris de Léon Gimpel (avec la Société française de Photographie) ; la série « Blackout New York » (1965) de René Burri (avec Magnum Photos, la Fondation René Burri et le musée Photo Elysée Lausanne) ; Anders Peterson et des inédits – s’il vous plaît – de la série « Café Lehmitz » (années 1970) accompagnés de la série plus récente « Stockholm » avec la galerie Jean-Kenta Gauthier.

Diversité des écritures photographiques

L’autre secret de la réussite de ce festival, c’est d’embarquer le spectateur dans des histoires, grandes ou petites, que ce soit celles de la photographie ou d’auteurs contemporains apportant leur point de vue sur le monde.

Kleinchen Rose And Mona, Cafe Lehmitz, 1967-1970, courtoisie de la galerie Jean-Kenta Gauthier. © Anders Petersen
Hirondelle devant la grille 1990, courtoisie de la galerie Esther Woerdehoff. © Evgen Bavcar

Comme d’habitude, on apprécie la diversité des écritures photographiques. A commencer par des points de vue documentaires donnant autant une place à l’information qu’à l’onirisme. C’est le cas avec Thierry Cohen et ses « Villes éteintes », série réalisée de 2010 à 2012, portant sur la pollution lumineuse dans les villes occultant les étoiles dans le ciel.

De son côté la série « Solar Portraits » de Rubén Salgado Escudero est née d’une étude : 1,1 milliard d’individus vivent sur terre sans accès à l’électricité. L’Espagnol est allé à leur rencontre au Mexique, en Inde ou ailleurs pour les photographier éclairés par des ampoules à énergie solaire qu’ils découvrent la plupart pour la première fois. Une série qui fait étrangement écho à l’actualité.

Et qui dit nuit, dit errance, comme celle décrite par Céline Croze à Caracas – dont l’ouvrage Siempre Que publié aux éditions Lamaindonne vient de recevoir le Prix Nadar -, ou liaisons dangereuses. Témoins, celles des transgenres venues d’Équateur, du Pérou ou d’Argentine qui se prostituent au péril de leur vie au Bois de Boulogne. Françoise Evenou a suivi Angelica, Estrella, Jessica, Maria, Melissa, Tily et Vanessa pendant 18 mois, entre 2020 et 2021 : « Je les ai photographiées et enregistrées. À chaque fois, j’ai été profondément touchée par leurs histoires de vie, leur force de caractère et leur dignité », explique la photographe. 

Taharqa et la nuit, courtoisie de la galerie Clémentine de la Féronnière © Juliette Agnel

Invitation à la contemplation

Et la nuit, c’est aussi le monde des voyeurs : le Japonais Kohei Yoshiyoki, décédé en début d’année, en a fait le sujet de « The Park »(1971), série réalisée avec une pellicule infrarouge et un flash stroboscopique associé à un filtre conférant une esthétique si particulières à ces scènes étrange et troubles. Les images montrent des couples faisant l’amour et les voyeurs qui les épient. « Ce qui m’a vraiment interpellé, c’est la transformation radicale du parc et le contraste entre le jour et la nuit. Un lieu pour les familles la journée qui devient un terrain de jeu pour les couples et les voyeurs la nuit, c’est un autre monde ! », racontait-il.

Sur le même thème, on découvre Dirty Windows réalisée en 1993 à New York par Merry Alpern. La photographe saisit les passes, échanges de drogues ou d’argent entre les employées et les clients d’un club de strip-tease clandestin à travers une petite fenêtre depuis l’appartement d’un ami. Une belle découverte, un travail qui n’a pas pris une ride.

Et quoi de mieux que la nuit pour rêver ? De Laure Vasconi et les mises en lumière des jardins aux Etats-Unis au moment de Noël à Todd Hido et ses zones pavillonnaires américaines en passant par Juliette Agnel qui réenchante les vestiges archéologiques du Soudan du Pharaon Taharqa, la programmation invite à la contemplation.

Comme Evgen Bavcar, photographe aveugle depuis l’âge de 11 ans, qui nous donne à voir parmi les plus poétiques images de cette édition. Comme disait Roland Topor, « La nuit venue, on y verra plus clair ».

Illuminations, Galeries Lafayette, Paris, 1 décembre 1933. Photographie positive : verre autochrome, couleur, 9x12cm © Léon Gimpel

7e édition du Festival du Regard, Centre commercial Les 3 Fontaines, Cergy-Pontoise, du 14 octobre au 27 novembre 2022 – https://festivalduregard.fr/

Dirty Windows, courtoisie de la galerie Miranda © Merry Alpern

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