Les années 1970 sont à Los Angeles celles de l’audace et du glamour. Et l’aura d’Hollywood continue d’exercer la même fascination aujourd’hui: la mode, la musique et le cinéma rendent encore hommage aux célébrités qui habitaient la ville à cette époque là. Mais L.A. a également quelque chose de frénétique, d’étrange voire d’irréel, des aspects que le photographe Gary Krueger a lui bien remarqué, et dont les images sont actuellement présentées à la galerie Joseph Bellows dans Gary Krueger’s City of Angels, 1971-1980.

Originaire de Cleveland, dans l’Ohio, Krueger s’est installé à Los Angeles en 1963, juste après avoir terminé ses études secondaires, pour suivre des cours de design graphique et de photographie au prestigieux Chouinard Art Institute (rebaptisé Cal Arts), aux côtés d’artistes tels que Ed Ruscha, Larry Bell et Robert Irwin. Après avoir obtenu son diplôme, Krueger a été engagé par Imagineering – une filiale créée par la Walt Disney Company qui conçoit et construit les parcs Disneyland – et a photographié un parc à thème et les événements qui s’y déroulaient. Durant ses loisirs, il réalisait des images à Los Angeles qu’il a décrites comme des « juxtapositions de la vie, en une fraction de seconde ».

Ce sont ces images qui sont présentées dans l’exposition. Des juxtapositions en une fraction de seconde, donc, qui dénotent l’esprit de la photographie de rue à Los Angeles à cette époque. Dans l’une d’elles, on peut voir un clown planté seul sur le trottoir, entièrement vêtu d’un costume à pois et grimaçant sous son fard ; dans une autre, une femme en culotte et soutien-gorge est juchée sur un cheval à bascule devant une vitrine. Certains visages sont visibles, mais bon nombre de sujets, photographiés à partir du cou, restent anonymes, comme si Krueger s’intéressait moins à la personne en tant que telle qu’à la scène dans son ensemble.


Bien que le propos de Krueger varie, toutes ses photographies démontrent un sens de la texture, alimenté on l’imagine par son sens du design graphique. On découvre, par exemple, une silhouette prise de dos, vêtue d’un manteau en fourrure blanche dont les poils évoquent les épines d’un oursin. Ou encore, un groupe de filles aux diadèmes scintillants se blottissant sous une douce couverture blanche, et dont les collants résille aux dessins géométriques attirent inévitablement le regard. Ce mélange de lignes nettement tracées et de matières délicates donnent à l’oeuvre une dimension unique, comme si l’on pouvait entrer dans l’image, toucher le manteau en fourrure ou sentir la douceur de la couverture.


Souvent, l’humour est au rendez-vous. Rétrospectivement, cet Hollywood semble être un rêve lointain, appartenant à une époque révolue où régnaient la fantaisie et la fête. « Ce monde, selon moi, ne nous offrira plus rien d’aussi bon », dit Krueger dans une interview. « Je crois que c’était vraiment l’âge d’or. »

Par Christina Caccouris
Christina Cacouris est une journaliste qui vit entre Paris et New York.
Gary Krueger: City of Angels, 1971 – 1980
Jusqu’au 19 mars 2021
Joseph Bellows Gallery
7661 Girard Avenue, La Jolla, CA 92037, Etats-Unis