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Białowieża, nature merveilleuse et hostile

“S’enforester” nous emmène entre la Pologne et la Biélorussie, au cœur de Białowieża, l’une des dernières forêts primaires d’Europe. Alliant réflexions philosophiques et photographie, Andrea Olga Mantovani et Baptiste Morizot font vivre et parler la forêt.

Écrit à quatre mains, S’enforester ose la diversité des regards. Baptiste Morizot couche sur le papier ce qu’Andrea Olga Mantovani fait ressentir en image. Mêlant art, politique et écologie, la photographe et le philosophe dépeignent la multiplicité des ressentis et des images que l’on peut avoir sur la forêt.

Photo d'Andrea Olga Mantovani : Vue de la fenêtre dans les vestiges du train du Tsar Nicolas II.
Vue de la fenêtre dans les vestiges du train du Tsar Nicolas II, ancien Empereur de toutes les Russies. Durant des siècles, Bialowieza fut la forêt de chasse des Tsars ce qui permit sa conservation.
Bialowieza, Pologne,
 Octobre 2017. © Andrea Olga Mantovani

Dernière forêt des premiers âges 

Sols jonchés de bois mort, troncs abattus et souches broussailleuses. Białowieża rompt avec l’idée que l’on se fait d’une forêt primaire. À cheval sur les territoires polonais et biélorusse, elle est l’un des derniers vestiges de l’immense forêt qui a recouvert les plaines du nord et du centre de l’Europe après la dernière glaciation. 

En 2017, menacée par un insecte qui détruit ses arbres, le gouvernement polonais entreprend une campagne d’abattage. Cette décision engendre immédiatement un mouvement de mobilisation écologique pour la protection de la forêt.

« Białowieża renferme un des plus importants conflits de notre époque : elle témoigne de la complexité des relations entre l’humain et le vivant », affirme Andrea Olga Mantovani. Refusant de le documenter de manière frontale et journalistique, elle oriente alors son travail vers une lecture plus profonde, personnelle et imaginaire. Initialement partie à Białowieża pour 3 semaines, Mantovani y restera 7 mois.

Géographe de formation, elle a travaillé pendant 6 ans sur des problématiques environnementales et sociales en Europe. Son travail à la fois fictionnel et documentaire dépeint son intérêt au vivant et aux territoires. Lauréate du prix Focale pour son projet sur la forêt de Białowieża, les photographies de Andrea Olga Mantovani ancrent le mythe de la forêt originelle dans nos imaginaires. La jeune femme s’abandonne à l’errance et capture les instants en suivant son instinct.

Photo d'un transporteur du bois coupé de la forêt de Bialowieza par Andrea Olga Mantovani
Transporteur polonais. Il affrète le bois coupé de la forêt de Bialowieza sur des plateformes de redistribution. Le bois terminera dans des usines fabrication de palettes. © Andrea Olga Mantovani

Sous l’œil d’Andrea Olga Mantovani, entre féérie sylvestre et errance cinématographique

Entre paysages vaporeux et décors presque surnaturel, une inquiétante étrangeté transcende l’objectif. Chaque cliché semble renfermer un secret. Aussi bien poétiques que fidèles à la réalité, « les photos ne servent pas simplement d’illustrations, elles délivrent aussi un message et permettent de laisser une image fixe dans nos imaginaires tout en parlant d’actualité ».

Jouant de l’ambivalence entre forêt ancestrale et atmosphère soviétique lugubre, Andrea Olga Mantovani construit son récit photographique comme un script de cinéma. Toutefois, nul besoin de forcer le trait : véritable forêt des contes de notre enfance, Białowieża envoûte autant qu’elle fascine. 

Photo d'étudiants de l'école de foresterie par Andrea Olga Mantovani
Etudiants de l’école de foresterie dans l’ancien cinéma de Bialowieza.Bialowieza, Pologne,Septembre 2017. © Andrea Olga Mantovani
Portrait de Olga Krystyna Salomea par Andrea Olga Mantovani avec un squelette de cerf dans la forêt de Bialowieza
Portrait de Olga Krystyna Salomea avec un squelette de cerf dans la forêt de Bialowieza. La forêt de Bialowieza abrite des habitats naturels pour des espèces d’animaux et d’oiseaux dont la protection est jugée prioritaire par l’UE. «La Pologne a enfreint la législation européenne sur la protection des sites naturels enordonnant des abattages dans la forêt de Bialowieza » a estimé le 28 février 2018 l’avocat général de la Cour de justice de l’UE. Bialowieza, Poland. Octobre 2017. © Andrea Olga Mantovani

« À travers Białowieża on parle de toutes nos forêts »

« Cette forêt ce n’est pas nous, car ce n’est pas nos habitats, nos milieux, nos paysages », écrit Baptiste Morizot. Lointaine, inhospitalière, étrangère, Białowieża est pourtant aux racines de l’être. Relique du passé et emblème de la vie primitive, entrer dans Białowieża, c’est voyager dans le temps. Selon Andrea Olga Mantovani, la forêt questionne surtout notre avenir : « À travers Białowieża on parle de toutes nos forêts. » 

Car « s’enforester » c’est davantage que s’immerger en forêt, c’est aussi comprendre et s’imprégner du message qu’elle renferme.

Photo dans la forêt Bialowieza par Andrea Olga Mantovani
Palettes disposées dans la zone sud, partie déforestée de la forêt de Bialowieza. Installation réalisée par la photographe. A travers cette performance, elle souhaite interpeller l’opinion publique sur le fait que le bois de Bialowieza termine commercialisé en palette sur le marché européen. Bialowieza, Pologne, Septembre, 2017. © Andrea Olga Mantovani

S’enforester, photographies d’Andrea Olga Mantovani et textes de Baptiste Morizot. Éditions d’une rive à l’autre, 48 €.

Couverture du livre « S’Enforester » par Andrea Olga Mantovani
© Andrea Olga Mantovani

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