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Chester Higgins, The Indelible Spirit

Chester Higgins, l’esprit impérissable

Une nouvelle exposition de la Bruce Silverstein Gallery, à New York, retrace en une sélection d’images le parcours tumultueux du photographe Chester Higgins.
© Chester Higgins

À l’été 1968, tandis que le mouvement des droits civiques bat son plein, Chester Higgins, empoigne son tout nouvel appareil et photographie son Alabama natal. Au printemps, Martin Luther King Jr., figure de proue du mouvement, a été assassiné, ne faisant que renforcer les protestations contre les lois Jim Crow, ces lois ségrégationnistes promulguées à partir de 1877. La presse locale de l’Alabama n’est alors pas tendre avec les manifestants, usant de clichés qui présentent ces militants comme des criminels et des voyous. Chester Higgins, consterné par cette propagande médiatique, commence à documenter le quotidien de sa communauté, constituée d’hommes et de femmes noirs. Des personnes qui, comme il le racontera plus tard, « travaillent dur, vont à l’église, vivant dans le respect et l’harmonie. Il fallait des images de Noirs qui reflètent l’authenticité de nos existences. »

L’exposition « Chester Higgins : The Indelible Spirit », à voir à la Bruce Silverstein Gallery de New York, revient sur la carrière du photographe depuis ses premières images en Alabama jusqu’à sa collaboration avec le New York Times, en passant par ses voyages au Ghana et au Sénégal. On retient ainsi que Charles Higgins découvre la photographie dans le studio de P.H. Polk, un compatriote de l’Alabama, devenu son mentor et ami, qui lui prête un appareil et l’initie à cet art.

© Chester Higgins

Chester Higgins apprend vite. De ses images de l’Alabama des années 1960 au New York de 1990, il développe un style unique : jouant sur les ombres et la lumière, il immortalise la pureté de l’instant, si bien qu’un spectateur cynique pourrait l’accuser d’avoir mis en scène ces instantanés. Early Morning Coffee, Harlem, qui montre un vieil homme regardant par la fenêtre d’un restaurant, sa silhouette à moitié dans l’ombre, rappelle les contrastes du célèbre Nighthawks du peintre Edward Hopper.

Mais c’est la douceur – voire la tendresse – émanant de ses photographies qui est le plus remarquable. En totale opposition avec l’imagerie propagandiste des Noirs de la fin des années 1960, dépeignant la colère et la violence, Necklace, Georgia dévoile une jeune femme fixant le ciel, sur un fond si flou qu’il apparait tel un clair-obscur. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres, et sa peau semble illuminée. Un portrait révérencieux.

© Chester Higgins
© Chester Higgins

L’une de ses images les plus poignantes date de ses premières années en Alabama. Avec Front Porch, Macon County, Charles Higgins photographie une fillette, debout sur le porche d’une maison, adossée à un poteau et qui, tournant la tête vers l’objectif, le fixe d’un air interrogateur. Le blanc de ses yeux et de son fichu est si éclatant qu’il l’impose au centre du cadre, même si son regard semble timide et réservé. Peut-être n’a-t-elle jamais été photographiée auparavant. Elle est seule et nous ne savons rien d’elle, si ce n’est que Charles Higgins a choisi de la photographier ce jour-là.

Les images de Charles Higgins font exister des individus que les médias ont, sans doute délibérément, négligés. Évoquant son travail, il explique : « Ces sujets ne seront pas oubliés ; ils sont impérissables. Parce qu’ils comptent. »

Par Christina Cacouris

Christina Cacouris est journaliste et commissaire d’expositions. Elle vit entre Paris et New York.

« Chester Higgins, The Indelible Spirit », jusqu’au 26 juin 2021 à la Bruce Silverstein Gallery, 529 West 20th Street, Third Floor, New York, NY 10011. Plus d’informations ici.

© Chester Higgins
© Chester Higgins
© Chester Higgins

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