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East Side Story

Janette Beckman évoque l’été qu’elle a passé à Maravilla Park, dans le quartier Est de Los Angeles, au plus fort d’une guerre de gangs.

Dans les années 1970, à Londres, alors qu’elle est étudiante en art, la photographe Janette Beckman emprunte l’ouvrage emblématique d’August Sander, People of the 20th Century, à la bibliothèque de l’université et oublie de le rapporter.

Inspirée par ses portraits avant-gardistes, elle entreprend alors de faire la chronique de la scène underground qui prend son essor dans les rues, les pubs et les festivals de musique au Royaume-Uni. De même que Sander avait élaboré une taxonomie de la vie allemande en classant ses modèles par profession, Janette Beckman entrevoit un fil conducteur dans les différentes sous-cultures radicales émergeant en Grande-Bretagne. 

© Janette Beckman
© Janette Beckman
© Janette Beckman
© Janette Beckman

Bientôt, elle photographie des groupes de punk, ska, 2 Tone, rockabilly et leurs fans, ainsi que des skinheads et des mods, pour des magazines influents tels que The Face et Melody Make : ainsi documente-t-elle un esprit et une attitude dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui. Chaleureuse, charmante dans sa simplicité, Jeannette Beckman se lie avec ses modèles, notamment Ginger Canzoneri, manager du groupe pop-punk féminin les Go-Gos.  

© Janette Beckman
© Janette Beckman

Bandanas et graffitis

En 1983, elle va passer l’été dans l’Ouest, dans le modeste bungalow de Canzoneri à Beverly Hill, et découvre la scène punk florissante de Los Angeles. Un jour, elle tombe sur un article dans le LA Weekly sur une guerre de gangs acharnée qui se livre dans les rues de East Los Angeles, avec, pour acteur principal, El Hoyo Maravilla (HM), un gang américano-mexicain né en 1935. Aucune photo n’accompagne le texte de l’article, et l’imagination de Janette Beckman s’emballe immédiatement : elle contacte le reporter, pour lui demander s’il peut la présenter à ces gens.

© Janette Beckman
© Janette Beckman
© Janette Beckman
© Janette Beckman
© Janette Beckman
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Malgré les avertissements de ses amis, Janette Beckman s’en tient à son idée. Elle saute dans sa Ford V8 de location, et roule vers l’est jusqu’à Maravilla Park. Avec, pour seule arme, un Hasselblad et une boîte de films 8×10, elle se poste devant un mur couvert d’énormes graffitis, lieu de rendez-vous des gens du coin. Sa présence attire l’attention et les questions fusent.

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle fait là, Janette Beckman montre aux adolescents ses photos des punks, et déclare : « Voilà les gangs anglais. Je veux prendre des photos de vous pour montrer aux Anglais à quoi vous ressemblez. »

El Hoyo Maravilla

Au cours de l’été 1983, Janette Beckman sillonne les rues de Maravilla Park, et réalise des portraits de la communauté qui seront rassemblés dans El Hoyo Maravilla (Dashwood Books), récemment réédité. Sous le soleil brûlant du désert, elle entend le bourdonnement incessant des hélicoptères de la police faisant des cercles au-dessus de sa tête, tandis qu’elle photographie les adolescents dans le parc – une communauté menacée de destruction.

« Parfois, les gens m’emmenaient chez leur mère, parfois je traînais là-bas, et parfois ils amenaient leurs amis », raconte Janette Beckman dans le livre.

« Ils posaient tous comme ils voulaient, ils m’ont rappelé les punks et les B-Boys de New York. Un jour, j’ai demandé à un gamin : ‘Qu’est-ce que c’est que ce tatouage en forme de larme sous ton œil ?’ et il m’a répondu : ‘Ça veut dire que j’ai été en prison’. C’étaient des durs, mais je ne le savais pas. Pour moi, ce n’étaient que des enfants. J’ai vu la beauté qu’ils portaient en eux. »

© Janette Beckman
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Un jour, trois jeunes femmes nommées Vivian, Vicki et Norma – alias les Rivera Bad Girls – apparaissent dans le parc. On leur a dit qu’une femme britannique prenait des photos, et elles sont bien disposées à ce que l’on fasse des gros plans d’elles.

En 2011, Janette Beckman renoue avec ces femmes qui vivent toujours dans la communauté, et qui ont réussi dans leurs carrières. Elles lui apprennent que 90% des hommes qu’elle a photographiés sont morts ou incarcérés, à présent.

Plutôt que de viser au sensationnalisme, à l’exotisme, ou de romancer la vie de cette communauté en crise, Janet Beckman rend hommage à la beauté et à l’humanité de ces gens, grâce à des portraits d’une grande sincérité. Quarante ans après la réalisation de ces images, El Hoyo Maravilla témoigne de la fierté, de la force et de la dignité du quartier de East LA. 

El Hoyo Maravilla est publié par Dashwood Books, 20€.

© Janette Beckman
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