
Frida on Bench, 1939. Courtesy of Nickolas Muray Photo Archives © Nickolas Muray Photo Archives
Frida Kahlo: Appearances Can Be Deceiving / Frida Kahlo: Les Apparences Peuvent Décevoir, qui a ouvert début février au Brooklyn Museum à New York, est la plus grande rétrospective sur l’artiste mexicaine. L’exposition comprend des peintures de l’artiste, mais aussi et surtout ses habits, ses dessins, des films et plus de cent cinquante photographies. C’est aussi la première fois que certains des objets personnels de Frida Kahlo provenant de sa Casa Azul (Maison Bleue) où elle est décédée en 1954, sont exposés aux États-Unis.

Plaster corset, painted and decorated by Frida Kahlo, Museo Frida Kahlo © Diego Rivera and Frida Kahlo Archives
Frida Land
Les peintures de Frida Kahlo sont en petit nombre (onze pour être exact) et ce sont les photographies qui sont la réelle colonne vertébrale de l’exposition. Le père de Kahlo, Guillermo Kahlo, étant photographe, la photographie a aussi occupé une partie importante de sa vie. Si Frida Kahlo peignait des autoportraits, elle est aussi devenue une muse pour de nombreux photographes, parmi lesquels Edward Weston, Lola Alvarez Bravo, Imogen Cunningham ou son amant le photographe Nickolas Murray. Ce sont ces photographies qui ont en partie rendu Frida Kahlo célèbre en dehors du Mexique, avant qu’elle soit célèbre en tant qu’artiste. Kahlo est aujourd’hui presque une marque (certains vont jusqu’à parler de Fridolatry), et l’image de Frida Kahlo se trouve aujourd’hui sur d’innombrables objets.

Frida in New York, 1946 © Nickolas Muray Photo Archives
Représentation d’une icône
Chaque photographie permet de dévoiler une facette de l’artiste, et de comprendre les différentes manières dont elle a été perçue et représentée. Les photographies de son père, Guillermo Kahlo, notamment quand elle était jeune, montrent le milieu bourgeois dans lequel Kahlo a été élevée. Cependant, on remarque dans ces images que, déjà, Kahlo jouait avec l’idée de la représentation de soi, notamment dans une photo de famille où elle porte un costume – brisant l’image de la fille modèle et troublant le genre. Plus tard, les photographies de Lola Alvarez Bravo et Lucienne Bloch, accentuées par le noir et blanc, montrent une Kahlo au quotidien, presque mélancolique. Celles-ci sont en contraste avec les images de Nickolas Murray qui montrent une Frida mise en scène, au caractère presque pictural. Ici, il s’agit bien de Frida Kahlo l’icône, celle qui devenue elle-même oeuvre d’art, élevant aussi la photographie en couleurs au rang d’art. À travers l’exposition, la photographie joue un rôle double, entre participation à la création d’une icône, et aperçu de l’intimité de l’artiste.

Ricardo Ayulardo, Family of Matilde Calderón y González, 1890. © Frida Kahlo & Diego Rivera Archives.
Une soufrance à moitié invisible
Cependant, pour comprendre Frida Kahlo et son art, il faut briser plusieurs murs. Il faut la voir comme femme libérée, et pas seulement comme l’épouse du fameux Diego Riviera, et il faut la voir au-delà des symboles esthétiques de l’icône. Derrière ces murs se révèle une souffrance de l’être. Comme l’indique le nom de l’exposition, basée sur un dessin de l’artiste, derrière les apparences se trouve un corps qui a subi et souffert – ce qui explique peut-être pourquoi Frida Kahlo a tant travaillé à le composer et le sublimer. Il y a un certain jeu de dissimulation et de révélation de la souffrance de Frida Kahlo à travers les images de l’exposition. Alors qu’elle a contracté la polio à l’âge de neuf ans et devait porter un corset suite à un grave accident, Frida Kahlo a décidé de faire de son corps une force. La peinture, avec la photographie, ont participé à donner une apparence d’invincibilité à ce corps. L’image Frida Kahlo c’est celle pour qui l’art s’étend plus loin que le chevalet, dans chaque objet et jusqu’à soi-même.





Par Claire Debost
Frida Kahlo: Appearances Can Be Deceiving
Du 8 février au 12 mai 2019
Brooklyn Museum, 200 Eastern Parkway, Brooklyn, New York 11238-6052